Les vraies tragédies, on le sait depuis Aristote, ont de quoi inspirer l'empathie et la crainte. Celle qui ravage le Proche-Orient n'échappe pas à la règle. Comment ne pas pleurer les civils israéliens victimes de la barbarie du Hamas ? Les civils palestiniens écrasés sous la mitraille et les bombes à Gaza ? Avec la crainte, hélas, que ces milliers d'innocents pèsent dans les logiques victimaires de guerres à venir, sans doute même déjà en gésine. Car c’est l’un des plus effrayants aspects de la fracture proche-orientale causée par ce conflit : elle est si abyssale, si envenimée qu’elle impacte le monde comme une onde de choc. Le nouveau désordre mondial, provoqué par l’invasion russe en Ukraine, n’avait pas besoin de cette autre explosion de violence. Mais le séisme proche-oriental fissure les sociétés elles-mêmes. L’Europe voit se multiplier les actes antisémites et islamophobes.
La France n’échappe pas à cette mauvaise fièvre. Le niveau du débat en est un thermomètre affligeant. Comment peut-on, sur un sujet aussi complexe que le conflit israélo-palestinien, être assez manichéen pour épouser une cause de façon inconditionnelle ? Certains, pourtant, y sont parvenus sans états d’âme. Mais sont aussi, sinon plus, inquiétants dans ce contexte tendu, les propos de G. Darmanin dans l'ultra droitier JDD, qui disait n’avoir « aucun tabou pour protéger les Français » (22/10/2023), pas même certaines règles propres à l’État de droit qui fondent nos démocraties. L’histoire, pourtant, devrait avoir appris aux responsables politiques que certaines outrances peuvent libérer des passions fort dangereuses. Dans ce climat de polarisation embuée d’arrière-pensées électoralistes, l’urgence est bien plutôt de retrouver des espaces de paroles qui privilégient le débat, la raison et un humanisme capable de transcender les clivages. Aucune paix durable, seule certitude au milieu du cauchemar, ne sera possible sans dialogue.
© 2024 - La Dépêche de l’Aube
Création : Agence MNKY