Aube - casse du service public
Courrier non distribué ou très en retard ; explications fumeuses dans les bureaux de poste, qu’est-ce qui se passe ? J’ai questionné un facteur en pleine distribution. Il est de mauvaise humeur aujourd’hui...
« C’est le bordel, me raconte-t-il. J’en ai ras la casquette. Il me la désigne du doigt. Voyez le courrier ? - Il me montre la poignée de plis qu’il sort de la sacoche. - Ça c’est trié par la machine en gros dans la RP, pour nous à Lognes, (77), ça arrive aux Ecrevolles. Faut tout qu’on retrie. Résultat, ce paquet dans lequel c’est tout mélangé, mal foutu. Jamais, j’ai vu ça. Vivement que j’me tire.
On réclame dans les bureaux. Tout le monde baisse le nez. Tout le monde sait ce qu’il se passe. Les chefs ne parlent que de rationalisation. Il y a moins de courrier avec l’utilisation d’internet, alors on réduit, et le personnel et les centres de traitement du courrier, tout. On avait le nôtre aux Ecrevolles. Une sacrée belle machine. On faisait visiter la bête aux élus. Le courrier trié à grande vitesse tombait directement dans nos casiers pour les tournées, ou quasiment. C’était beau. Trop beau.
De 130 centres on est passé à une cinquantaine en 2013, maintenant, il n’y en a plus que 26 et ça va continuer. Ils trouvent des machines de plus en plus performantes, comme ils disent, performantes pour faire le bordel. Pourquoi remplacer ce qui marche bien ? Vous avez compris monsieur, c’est pour réduire le personnel. En même temps, ceux qui restent, comme moi, on les oblige à faire le maximum. Vous avez moins de courrier à distribuer, alors on va rallonger votre tournée. Et on vous rajoute la rue machin, l’impasse chose. Pas question non plus de choisir notre itinéraire. C’est le leur et rien que le leur. Quand j’ai un congé, on me met un intérimaire, le pauvre... Il est plus à plaindre qu’à blâmer. Facteur, c’est un métier !
Les contractuels sont pour La Poste, la variable d’ajustement du service qui permet de réduire peu à peu le nombre de fonctionnaires assermentés et de réduire aussi nos droits. Tout ça, vous savez pourquoi ? - Non, je lui réponds innocemment,- c’est pour les pubs, les contrats avec les entreprises. Tu es invité à en faire, comme ça en passant, mine de rien. Un client qui signe un contrat, il paie et on lui livre son courrier le matin, perso, comme un chef. Et comme le service public boite pas mal, c’est toutes les boîtes privées qui en profitent. »
J’ai compris la colère de mon facteur
La Poste est devenue un nouveau collecteur d’argent privé mais le service public, lui, meurt à petit feu. C’est la rigueur salariale par mauvais temps de vie chère, c’est la compression des effectifs (10 000 disent les syndicats), c’est la disparition programmée du service public. La Poste est devenue société anonyme à capitaux
publics !!!
Évidemment le privé en profite. La concurrence a été actée par l’Europe. Les entreprises privées grignotent déjà un gâteau de 10 milliards d’euros. Le colis se porte bien. Il voyage par la grâce de la libéralisation du marché. Près de 100 boîtes privées couvrent le territoire. Même La Poste crée ses boites, gérées comme Chronopost du groupe TAT.
Tous ces bouleversements, arrivés peu à peu par la grâce du marché (mot feutré pour dire capitalisme) sont évidemment pour mon préposé, des facteurs de colère.
Le service public de la poste est en grand danger. Il n’est pas le seul, l’enseignement et la santé souffrent pareillement du manque d’ambition de nos gouvernants, du refus de mettre en chantier des réformes fondamentales.
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