
80 ans de la Sécurité sociale
Mardi 14 octobre, près de 200 personnes ont assisté à la conférence de Léo Rosell venu faire part de ses recherches sur l’histoire de la Sécurité sociale. Le jeune historien, normalien, agrégé et doctorant à l’université de Bourgogne était l’invité du CEMOA, de l’UD CGT 10 et de la fédération de l’Aube du PCF en partenariat avec l’UPOP Aube.
L'intervenant a rappelé l’ambition initiale de cette institution, qui visait à créer un « ordre social nouveau », en mettant « les Françaises et les Français à l’abri du besoin » et en les libérant « de la peur du lendemain ». Chacune et chacun, de la naissance à la mort, devait ainsi être pris en charge face aux aléas de la vie, par un système fondé sur la solidarité nationale.
Il est revenu sur les origines philosophiques, politiques et sociales de cette ambition, sur le contexte qui a permis la réalisation de cette « réforme révolutionnaire » à la Libération, sur ses évolutions dans les décennies suivantes jusqu’à nos jours, mais aussi sur sa place dans nos représentations et nos mémoires. Il a insisté sur le fait que cette histoire de la Sécurité sociale est avant tout une histoire politique, faite d’espoirs, de luttes, de débats, de progrès, de reculs aussi...
Pour ce qui est du compromis, il a montré notamment « que la Sécurité sociale est née d’une rencontre inédite entre, d’une part, une haute-fonction publique modernisatrice, attachée à l’intérêt général et à une conception émancipatrice de l’État social, et d’autre part, un mouvement ouvrier puissant au sortir de la guerre, fort de son poids dans la Résistance, et capable de conquérir des positions centrales dans la démocratie sociale nouvelle. »
Une conquête ouvrière
« Portée par un contexte politique inédit, la création de la « Sécu » est favorisée par l’hégémonie des forces progressistes à la Libération, à travers une alliance entre les communistes, les socialistes, la CGT réunifiée et, dans une moindre mesure, les démocrates chrétiens du MRP ». Il a rappelé qu’à la Libération le patronat est largement discrédité par la collaboration et qu’au contraire, l’implication massive des militants de la CGT, lors de la mise en oeuvre de la « Sécu » sur le terrain, est à l’origine d’une idée très présente dans les mémoires militantes : celle d’une « conquête ouvrière ». Léo Rosell fait remarquer qu’évidemment la création de la Sécurité sociale est une réalisation collective, mais qu’elle est incarnée dans les mémoires par deux personnages principaux.
« Tout d’abord le haut fonctionnaire Pierre Laroque, qui est spécialiste des Assurances sociales depuis le début des années 1930 et qui devient le premier directeur de la Sécurité sociale à la Libération. Et puis par Ambroise Croizat, qui est un ancien ouvrier dès l’âge de 13 ans, qui gravit progressivement les échelons de la CGT et du PCF, il est secrétaire de la Fédération des Métaux de la CGT à partir de 1928, il est élu député communiste du Front populaire en 1936 et puis, après avoir passé la guerre en prison, il devient ministre du Travail et de la Sécurité sociale à la Libération ».
Une alliance inédite
Il insiste sur cette alliance inédite parce que selon lui, « ce sont cette alliance et cette ambition commune qui permettent de comprendre l’originalité de notre modèle social, alors même qu’elles ont progressivement été perdues, au profit d’un discours purement budgétaire sur un prétendu trou de la Sécurité sociale ».
Léo Rosell fait remarquer que « l’on est passé d’une logique de financement de besoins et de droits sociaux considérés comme universels, à une exigence de réduction des dépenses, au détriment des bénéficiaires. Dans le même temps, on a asséché les recettes de la Sécurité sociale, à travers une « politique de la caisse vide », justifiant ainsi la « nécessité de réformer ». Il lui semble important de rappeler que « ces évolutions sont le fruit de choix politiques, d’arbitrages, eux-mêmes pris dans des rapports de force institutionnels. Et qu’au fond, dans un régime démocratique, il n’y a pas de fatalité à laisser détruire une institution sociale qui est notre patrimoine commun, la pierre angulaire de notre pacte social républicain ».

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