
Aube - Incinérateur Valaubia
Entretien réalisé par Camille Lainé
Depuis la genèse de ce projet, ses opposants alertent sur sa surdimension et les conséquences qu’elle pourrait avoir. Force est de constater qu’après à peine 4 ans de mise en service cela se confirme : il est question de faire venir des déchets d’autres départements voir changer la nature des déchets pour faire fonctionner l’incinérateur. La Dépêche de l’Aube s’est entretenue avec Pascal Houplon, président d’Aube Durable, association qui s’oppose depuis le début au projet.
LDA : Pourriez-vous revenir à la genèse du projet et aux différentes problématiques que vous aviez soulevées dès le départ ?
Pascal Houplon : dès le départ, il y a 10 ans, nous trouvions que les choses étaient prises à l’envers. En effet, il était donc question de construire un incinérateur alors que la mise en place de la politique de tri des déchets n’était même pas encore là. Ce qui pour nous n’avait pas de sens.
Ensuite, évidemment, nous avons tout de suite contesté la capacité de l’incinérateur, celle-ci est de 60 000 tonnes ce qui paraissait déjà énorme même sans tri des déchets. Ce qui nous a également tout de suite posé question c’est que les projections proposées n’étaient calculées que sur une période de 6 ans, jusqu’à 2026. Or, la délégation de service public est de 25 ans et la durée de fonctionnement du matériel est de 40 ans !
Donc dans ce type de projet il est normalement d’usage de faire des projections sur des périodes bien plus longues.
Le SDEDA (Syndicat départemental d’élimination des déchets de l’Aube) avait proposé à l’époque trois scénarios qui nous paraissaient plus que bancals et qui désormais s’avèrent complètement faux.
1. Un tonnage de déchets qui ne bouge pas.
2. Un scénario avec une diminution légère des déchets.
3. Et enfin, ce qu’ils appelaient un scénario volontariste en termes de réduction des déchets.
Aujourd’hui nous arrivons à ce qu’ils avaient appelé le scénario « volontariste » sans avoir pourtant de politiques volontaristes sur la question dans notre département, sans mettre en place la tarification incitative, ni une collecte ambitieuse des bio-déchets ! Ce qui prouve bien que les analyses étaient sous-estimées. Mais c’est aussi rassurant sur la prise de conscience écologique de la population.
LDA : Aujourd’hui, la capacité de l’incinérateur est bel et bien trop importante mais alors que va-t-il se passer concrètement ?
PH : Aujourd’hui, l’incinérateur brûle 66 000 tonnes : 61 000 d’OMR (ordures ménagères résiduelles) + 5 000 de DIB/DAE (déchets industriels banals/déchets d’activités économiques). Valaubia a obtenu une "rallonge" de 6 000 tonnes d'OMR en 2023 pour répondre aux problèmes de production d’énergie. Mais chaque kilo d’OMR ne produit que 1 974 kcal. C’est ce que l’on appelle le pouvoir calorifique inférieur des déchets (PCI). Il désigne la quantité de chaleur produite par chaque kg de déchets. Or, il devrait produire 2 450 kcal, selon les engagements de Valaubia. Économiquement ce n’est donc pas viable, ils ont besoin de brûler plus de déchets.
Mais alors quels déchets ? Il y a deux hypothèses, la première étant de faire venir des déchets ménagers d’ailleurs, d’autres départements. Ce qui n’a pas de sens écologique, d’autant plus s’il faut faire venir les déchets en camion.
Deuxième hypothèse, qui à notre avis sera celle retenue, faire venir des déchets d’activités économiques, ce qui arrangerait bien certaines entreprises du secteur. Ce qui serait déjà problématique en termes de pollution puisqu’il sera question de brûler du plastique par exemple, mais, en plus, faire cela reviendrait à changer complètement la raison d’être de l’incinérateur.
Pourquoi faire payer à la population, avec des deniers publics, un incinérateur qui servirait à brûler des déchets du privé ? Si l’hypothèse des DAE est retenue ce ne serait plus une solution pour les citoyens mais bien une solution pour les entreprises privées.
À l’époque peu d’élus s’étaient opposés au projet, ou même avaient émis des doutes, on peut citer Jean Pierre Cornevin ou même Olivier Girardin, mais aujourd’hui plusieurs autres élus ont interpellé à ce sujet, c’est un peu tard, mais peut être que cela fera réagir sur les nombreuses incohérences du dossier.
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