
Vidéosurveillance
« Il est minuit braves gens, dormez en paix ». C’était ainsi qu’au Moyen Âge, les chevaliers du guet annonçaient, toutes les heures, leur ronde nocturne dans les rues des villes pour assurer la sécurité. Les temps ont bien changé…
Dans la ville de Troyes, la sécurité est assumée par la police municipale et par un dispositif de caméras de vidéosurveillance.
Les caméras de vidéosurveillance jouissent d’une grande popularité auprès des habitants. Le choix qu’a fait not’ bon maire, François Baroin est sans doute plus une tactique électoraliste que la recherche de l’efficacité pour atténuer les facteurs de risques dans sa ville. Il joue avec la corde sensible des Troyens qui, comme tout un chacun, désirent vivre en sécurité. Mais hélas, diminuer le sentiment d’insécurité, ce n‘est pas pour autant combattre la délinquance.
Certes, la vidéosurveillance permet, quelquefois, une protection par dissuasion. Dans certains cas c’est un moyen d’identification et de reconnaissance en cas de délit, mais force est de constater que cela n’empêche pas le délit. Bien malin celui qui saurait compter les infractions qui n’ont pas été commises du fait de ce dispositif. Le système des caméras ne vous protège pas réellement (de 1 à 3% d’efficacité selon les statistiques), c’est un miroir aux alouettes, qui à tort rassure !
Des exemples montrent que la sécurité avec la vidéosurveillance fait illusion. Des exemples parmi tant d’autres. Ainsi, la ville de Nice, la ville la plus vidéosurveillée de France, a subi une attaque au camion bélier le 14 juillet 2016. Un an et demi plus tôt, son maire, Christian Estrosi, avait pourtant déclaré, à propos des tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher : « Si Paris avait été équipée du même réseau [de caméras] que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés. »
À Paris, le vaste réseau de caméras ne semble pas faire peur aux terroristes. La RATP est dotée du plus important réseau de vidéo- surveillance d’Ile-de-France, avec près de 40.000 caméras dans les bus, le RER et le métro, et pourtant l’instigateur présumé des attentats du 13 novembre 2015, a pris le métro moins d’une heure après le début des attaques. Il avait été filmé par les caméras de la RATP, alors qu’il franchissait illégalement un portique sans ticket.
Les différentes études conduites à l’étranger, notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Australie, ne démontrent pas globalement l’efficacité de la vidéosurveillance de la voie publique.
Plus près de nous, aux Chartreux, les dealers continuent leurs petits trafics quasiment sous la caméra et aux yeux et au su de tous.
Quand on parle de la sécurité, Il vient tout de suite à l’esprit la sécurité individuelle, l’absence de danger, c’est-à-dire une situation dans laquelle on n’est pas exposé à un risque. En délimitant la sécurité, à la seule sécurité individuelle, c’est insidieux.
Ne sommes-nous pas exposés à d’autres risques ? Quand la sécurité sociale est en permanence remise en question, notre santé ne l’est-elle pas aussi ?
Quand la sécurité de l’emploi est menacée et l’emploi stable incertain la vie est-elle sereine ? Quand la sécurité économique reste hors de portée de la majorité des travailleurs, comment avoir accès durablement aux besoins essentiels ? Quand la sécurité alimentaire est insuffisante, ou l’accès à une nourriture saine et nutritive est discutable, quand la sécurité au travail n’est pas partout respectée, quand la sécurité routière, est laissée à la seule répression faute d’éducation ?
Les caméras ne remplacent pas la prévention de la délinquance, la protection sociale, l’éducation. Elles ne suffiront pas pour relever le défi d’une société plus juste.
LOUIS MICHEL
© 2025 - La Dépêche de l’Aube
Création : Agence MNKY