Solidarité - L'entretien
La pauvreté augmente en France, selon le baromètre de la pauvreté réalisé par Ipsos en septembre, 47% des français éprouvent des difficultés à payer leurs factures d’énergie, 32% des Français sont obligés de réduire leur nombre de repas par jour et 43% des Français ne peuvent pas chauffer leur logement.
Le constat est édifiant, le rouleau compresseur libéral crée de la pauvreté et en plus divise les Français entre eux. Face à cela, il y a plus que jamais besoin de solidarité. Le Secours populaire est sur le terrain au quotidien pour lutter contre la précarité. La Dépêche de l’Aube est allée à la rencontre de Serge Fourrier, Secrétaire Général du Secours populaire de Romilly-sur-Seine et Anne Marchandiau Adjointe.
LDA : La précarité n’a de cesse d’augmenter en France, l’inflation est galopante, le ressentez- vous au Secours populaire ?
S. Fourrier, A. Marchandiau : Oui, on le ressent, l’augmentation du prix de l’énergie a un vrai impact. Beaucoup de personnes accueillies reviennent au moment de la facture, le temps de sortir de l’eau, les prix ont tellement augmenté que ça rend leur situation très compliquée. Ils arrivaient à s’en sortir jusque-là, mais l’augmentation des charges entraîne un nouveau besoin. La voiture aussi, l’essence coûte cher et la mobilité c’est un vrai sujet dans le bassin de Romilly. En milieu rural les déplacements sont difficiles, nous sommes organisés en comités et dans les comités il y a des antennes. Ici, c’est le comité de Romilly, mais il regroupe 21 communes (dont beaucoup de rurales) et il y a 3 antennes : Méry-sur-Seine, Marigny-le-Châtel et Villenauxe-La-Grande.
À Romilly, 28% de la population est en dessous du seuil de pauvreté, alors forcément cela se ressent pour nous au niveau du Secours populaire.
LDA : Combien avez-vous de personnes accueillies et ce nombre est-il en augmentation ? Il y a-t-il un profil type de la personne accueillie ?
S. Fourrier, A. Marchandiau : À Romilly, nous accueillons 311 familles ce qui représente 762 personnes. Nous avons senti un changement dans les personnes accueillies, avant nous avions des personnes avec un petit reste à vivre (un peu d’argent restant sur le compte après le passage des charges fixes), désormais nous avons des personnes qui commencent directement le mois en négatif.
Les femmes sont un peu plus représentées que les hommes, nous avons 45% de moins de 15 ans. Nous avons des personnes au chômage en fin de droits ou au RSA, mais aussi des retraités pour qui leur petite retraite ne suffit pas pour vivre. Chez nos bénéficiaires la moyenne du reste à vivre par personne et par jour est de 5,80 euros.
35 personnes parmi nos bénéficiaires sont sans aucune ressource et sans papiers, nous avons également beaucoup de bénéficiaires qui sont hébergées. Parmi celles et ceux qui ont des logements beaucoup sont dans des logements insalubres; à Romilly la question du logement est un vrai problème et il y a énormément de marchands de sommeil sans scrupules (1 mère de famille avec ces 3 enfants dans 15 m2 sans chauffage et qui dorment à même le sol pour 250 € par mois).
Pour les personnes qui viennent nous voir, nous sommes le dernier rempart. Parfois les personnes sont gênées d’entrer dans nos locaux, nous les voyons passer et repasser devant, il faut même souvent aller leur parler pour les inviter à entrer. C’est parfois compliqué de passer le cap, de se dire qu’on a besoin d’être aidé pour s’en sortir. Les familles hésitent moins parce qu’il y a les enfants à nourrir et souvent les assistantes sociales les envoient. Mais pour les personnes âgées c’est souvent plus compliqué, elles ont du mal à se retrouver dans le besoin et elles n’ont pas le même espoir de rebondir que des plus jeunes. Évidemment, contrairement aux idées reçues, les gens ne profitent pas, quand ils trouvent du travail et que leur situation s’améliore on ne les voit plus.
LDA : Au-delà de l’aide alimentaire, quelles sont les initiatives du Secours populaire ?
S. Fourrier, A. Marchandiau : Il faut bien comprendre que l’aide alimentaire c’est la porte d’entrée, les personnes viennent nous voir d’abord pour ça, puis ensuite on échange avec eux et en découle tout le reste.
Nous avons aussi une bourse aux vêtements solidaires, une brocante, des cours de langues 4h par semaine. Nous avons mis en place une aide à la scolarité mais côté parents : une aide pour utiliser l’ENT, une aide dans le lien avec les établissements scolaires.
Nous avons une aide administrative, avec un écrivain public qui permet d’aider à remplir les différents papiers relatifs à des demandes administratives. Nous avons mis en place un partenariat avec le CIO pour aider sur les questions d’orientation.
Nous organisons également une grande campagne pour la rentrée des classes, nous avons distribué 128 packs de fournitures cette année, nous mettons à disposition des ordinateurs également. Nous avons aussi une aide pour la licence sportive.
Nous apportons un soutien aux migrants plus importants ces derniers temps. Nous organisons aussi la journée des oubliés des vacances pour l’été, cette année nous avons organisé un stage de cirque pour les enfants et également une semaine de vacances pour les seniors, pour les sortir de l’isolement.
Et enfin, en cette période c’est le père Noël vert ! Donc des cadeaux pour les enfants, des colis seniors, une braderie de jouets neufs et d’occasion ! Pas mal d’établissements scolaires participent à la collecte et ça c’est vraiment intéressant. Nous avons mis en place une action avec un lycée : une journée de glanage solidaire où tout le monde va glaner des pommes de terre.
LDA : Les différentes politiques libérales successives ont également eu pour résultat les baisses de subventions aux associations, quelles en sont les conséquences au quotidien ?
S. Fourrier, A. Marchandiau : On ne va pas se mentir, nous avons un vrai manque de moyens, les subventions des collectivités baissent, certaines donnaient plus avant. À titre exceptionnel nous avons des aides du Conseil départemental, mais ce n’est pas tous les ans, il faut désormais se battre beaucoup plus pour obtenir des choses. Nous avons beaucoup plus de facilités pour avoir des aides matérielles que financières par exemple. Nous organisons un loto au printemps, une commune autour de Romilly nous prête une salle gratuitement.
Notre principal problème en réalité c’est le manque de reconnaissance, notre comité ne se sent pas reconnu par les collectivités publiques, nous aimerions avoir une véritable écoute et nous sentir reconnus d’utilité publique, ce n’est pas le cas. Si on prend Romilly, l’écoute n’est pas là, en plus de rogner les subventions, le reste n’y est pas non plus. Des choses se font mais cela n’est pas à la hauteur de ce que ça devrait être. Nos bénévoles font 15000 heures de bénévolat par an, ce qui représente beaucoup et devrait être valorisé par les collectivités.
Le CCAS de Romilly et son personnel, avec qui les relations sont bonnes par ailleurs, est bien content de pouvoir solliciter le Secours populaire ! Le CCAS n’a plus les moyens de fonctionner correctement donc il s’appuie sur nous, mais cela devrait être reconnu par la ville de Romilly. La ville de Romilly nous fait payer la location des salles par exemple, ce qui nous pousse à demander à des communes alentours. Nous ressentons plus de reconnaissance de la part de petites communes.
LDA : Dans une société fracturée comme la nôtre, le besoin de solidarité est réel, parvenez-vous à recruter de nouveaux bénévoles et à mobiliser ?
S. Fourrier, A. Marchandiau : Oui, nous avons un beau socle de bénévoles dans notre comité, 45 bénévoles réguliers qui viennent au moins deux jours par semaine puis il y a des gens qui se greffent : cette semaine nous avons eu 65 bénévoles par exemple.
Nous avons des jeunes en SNU; dans le cadre de leur service, ils doivent effectuer 82h en associations. Nous accueillons pas mal de stagiaires aussi, notamment au lycée Diderot, le lycée professionnel de Romilly; les élèves ont parfois du mal à trouver des stages alors nous sommes facilitateurs. Nous travaillons aussi avec l’école de la 2e chance, ce qui nous apporte d’autres bénévoles encore.
Nous avons également un partenariat avec le ministère de la justice et donc des personnes qui effectuent des travaux d’intérêt général avec nous. Nous avons également un partenariat avec l’APAJH (association pour adultes et jeunes handicapés), des personnes viennent donc nous aider le matin. Et enfin nous avons un partenariat avec Chlorophylle à Romilly ce qui permet d’allier le fait de proposer des produits de qualités à nos bénéficiaires et d’avoir de nouveaux bénévoles.
Il y a une vraie envie de la part de nos bénévoles ! Une vraie envie de faire vivre la solidarité et cela tombe bien parce qu’il y a de vrais besoins. Mais là encore, nous manquons de place et de moyens ! Tous nos bénévoles ont plein d’idées et plein d’activités à proposer mais il nous faudrait des locaux plus grands et encore plus de moyens ! Nous sommes aussi fiers d'avoir un club "copains du Monde". Ce sont des jeunes de 8 à 18 ans qui s'organisent pour mettre en place des solidarités pour travailler sur la précarité. Ce qui veut présager d'une prise en charge de la solidarité par nos jeunes ce qui est important.
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