Romilly-sur-Seine
Le Coq Sportif, aujourd’hui 147 salariés, a fait son retour à Romilly il y a une quinzaine d’années. Cette entreprise a été créée au début du siècle dernier par Emile Camuset pour devenir, au fil du temps, leader français de la fabrication de vêtements de sport. Elle habillait d’ailleurs de nombreuses équipes professionnelles.
Dans les années 70, 1000 salariés travaillaient dans le groupe dont 700 environ à Romilly. Mais la concurrence faisait rage, le groupe Adidas a fini par faire main basse sur l’entreprise mais surtout sur la marque.
Dans cette opération il fut aidé par les banques, les mêmes que celles du Coq Sportif. Après avoir délocalisé les productions, Adidas cessa toute activité à Romilly en 1988 et licencia tout le personnel. Ce fut un coup très rude pour la ville et la population car le coq était devenu la fierté des romillonnes et romillons. Avec Olympia, leader français de la fabrication de chaussettes, Frimatic les frigos, puis Peugeot les vélos, Dupré les sous-vêtements masculins, Chantelle et Barbara la lingerie féminine, Desvignes les costumes hommes et les ateliers SNCF, Romilly était à l’époque une ville où le taux de chômage était le plus bas de Champagne Ardennes.
2015 : Retour du Coq Sportif
Le groupe AIRESIS, fonds de pensions Suisse coté à la Bourse de Genève, rachète la marque le Coq Sportif tombée en désuétude mais qui avait gardé dans le coeur des Françaises et Français, une valeur symbolique. Airesis décida donc de relancer la marque en investissant dans la ville historique de sa création. Ce fut depuis tout l’axe des campagnes de communication du groupe suisse qui détient 78% du Coq Sportif pour lui redonner l’image et la notoriété en France à Romilly-sur-Seine.
Une situation financière alarmante
Le Coq Sportif qui avait équipé la délégation française lors des JO de Pékin en 2022 a renouvelé l’opération avec les JO de Paris qui viennent de se dérouler. Pour ce marché des JO de Paris, il était en compétition avec Lacoste, la marque au crocodile. Devant l’ampleur des enjeux financiers de ce projet, Lacoste jeta vite l’éponge alors qu’il avait les reins bien plus solides que le Coq Sportif en reconstruction.
Pour 2023 des pertes considérables ont été enregistrées ; 37 millions d’euros, contre 2 millions en 2022, pour un chiffre d’affaires annuel de 150 millions d’euros. Une situation qui ne manqua pas d’attirer l’attention de la presse locale et départementale, mais aussi nationale comme Les Échos, Le Monde et Challenge.
Par exemple dans Les Échos du 5 juin dernier, Marc Henri Beausire, homme d’affaires suisse se voulait rassurant en déclarant qu’il n’y avait « absolument pas de risque de dépôt de bilan dans l’immédiat ». Dans l’immédiat peut être mais plus tard ? Monsieur Beausire nous contraint à nous poser la question.
De son côté, le journal Le Monde écrivait que Le Coq avait frôlé de peu la banqueroute, sauvé in extremis par un prêt garanti par l'État de 12,5 millions d’euros, qu’il faudra bien rembourser.
Éric Vuillemin, en tant que maire de Romilly et président de la Communauté de Communes a apporté la garantie financière de ces deux collectivités pour près de 2 millions d’Euros d’emprunts du Coq Sportif, leur faisant donc courir de gros risques.
En effet, si le pire devait arriver, ce qui n’est vraiment pas souhaitable, ces deux collectivités devraient rembourser à la place du Coq Sportif les 2 millions d’euros.
À cette situation particulièrement lourde au niveau financier, reste encore en suspens le litige entre le Coq Sportif et la fédération française de rugby. Cette dernière lui réclame 5,2 millions d’euros pour non-respect des engagements pris.
Après un fonds de pension, maintenant une banque d’affaires
Après avoir constaté une perte de 18,2 millions d’euros pour le 1er semestre 2024 (37 en 2023), Airesis vient de mandater une banque d’affaires pour l’assister. Comme ce beau petit monde n’est pas un monde de philanthropes, on imagine bien qu’ils ne travaillent pas pour rien. Espérons qu’ils ne viennent pas là pour presser un peu plus le citron.
Des fonds publics mais pour quel objectif ?
Quand l'État s’engage à hauteur de 12,5 millions et que la commune et la Communauté de Communes garantissent 2 millions d’euros d’emprunts, cela devrait nécessiter des engagements, des garanties et du contrôle.
Si cela n’est pas le cas, cela pourrait s’apparenter à des chèques en blanc soutenant une stratégie qui a conduit le Coq Sportif à cette situation financière catastrophique et dont il faudrait rechercher les causes précises.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Qu’est ce qui n’a pas marché ? Que faut-il changer ?
Les enjeux sont d’importance car il s’agit de sauver une relocalisation et les 147 emplois qui en dépendent. L’enjeu doit être de poursuivre un développement créateur d’emplois.
Et les salariés dans tout cela ?
Cette situation extrêmement fragile interroge et inquiète. D’autant plus que nous venons d’apprendre que le Coq Sportif est placé en redressement judiciaire, les JO n’ayant fait augmenter ses ventes que de 30%, ce qui n’a pas suffi à sortir l’entreprise de ses difficultés financières. Une source d’inquiétude grandissante donc pour les salariés dont les emplois sont, de fait, directement menacés.
Il faut en finir avec cette conception où les salariés sont considérés comme de simples exécutants, des machines à produire pour réaliser du profit. Dans pareille situation, leur avis ne devrait-il pas être sollicité ?
Les salariés devraient pouvoir disposer de droits et de pouvoirs nouveaux leur permettant de formuler des propositions qui pourraient être expertisées et, si elles s’avèrent pertinentes, pourraient être financées par une banque publique accordant des prêts à taux zéro, voire négatifs.
Une entreprise ce n’est pas un fonds de pension, c’est surtout des salariés sans lesquels aucune production n’est possible.
La question de l’utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, d’un financement nouveau de l’économie et de celui des droits et pouvoirs nouveaux pour les salariés et leurs organisations syndicales sont pour les communistes des enjeux de première importance pour réindustrialiser notre pays et relocaliser les productions.
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