Sans barguigner, le couvre-feu pour les mineurs a été réinstauré par Robert Ménard, maire d’extrême droite de Béziers. Une tentative en 2014 avait été retoquée par la Justice. En Guadeloupe, le ministre de l’Intérieur l’a aussi décrété. Quant au Premier ministre, au vu des récents et terribles faits impliquant des jeunes, il tente d’incarner un sursaut d’autorité dont la dernière traduction est le recours à l’internat éducatif pour les enfants difficiles, la suppression possible des allocations familiales pour les parents et même l'expulsion locative décrétée préfectoralement. Des broussailles de la Macronie aux caniveaux des droites ultra et extrêmes, le mot « ensauvagement » est sur toutes les lèvres. La faute à Voltaire, la faute à Rousseau ?
Ce serait, entend-on dire, la faute aux sociologues - engeance, à l'évidence, de gauche - à l’origine, depuis un demi-siècle, d'une « culture de l’excuse » dont le pouvoir veut sortir. Pour cela, la loupe des médias et l'hyperbole des commentaires donnent à frissonner dans une France devenue un coupe-gorge. Logique : un récent sondage CSA indique que les deux tiers (67%) des Français sont pour une telle mesure et son application à toutes les villes. S'il est clair que l’insécurité progresse, tournons-nous un instant vers « l'american way of life » où la répression est nettement plus forte et expéditive, avec deux millions d’emprisonnés (soit cinq fois plus qu’en France en proportion) : la délinquance est repartie à la hausse depuis plusieurs années. Il n’y a donc pas de solution miracle.
Mais à bonnes réponses, bonnes questions, hors de postures et de convoitises politiciennes. L'engrenage répressif vers lequel on nous attire n'est-il pas d'abord l'apanage des boutefeux de l’« ensauvagement » du système capitaliste ? Une « forme ingénieuse et presque élégante de la trahison », pour citer Pasolini*, afin d'escamoter les sauvageons de la finance, les dealers de dividendes, les tueurs d'emplois... La racaille.
* « La forma ingegnosa e quasi elegante del tradimento », disait-il à propos de Machiavel.
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