L'État n’aurait plus les moyens d’être au niveau des besoins de ses citoyens. Le Premier ministre au visage d’ange, Gabriel, égraine inlassablement son chapelet de mauvaises nouvelles. Dans un pays qui a su, et pu, forger des services publics de qualité, les habitants ont de plus en plus le sentiment d'avoir été floués. La cause première, c'est le totem libéral de rigueur budgétaire qui devait être le deus ex machina d’une « économie saine et efficace ». C'est un naufrage. Le déficit, nous dit-on, serait en dérapage incontrôlé. Ciotti, jamais dépourvu d’une sortie grotesque, compare même la France à la Grèce de 2008. Il n’empêche que ni le plein-emploi, ni le ruissellement, promis, même reculés aux calendes grecques, ne donnent aux Français la lueur d’un avenir qui ferait passer tous les âcres remèdes.
Interpellé à l’Assemblée Nationale, G. Attal a lâché le mot : « rigueur ». Pourtant sa « voie de rigueur », empruntée déjà depuis longtemps, a vidé les caisses de l’État. Mais l’emploi d'un terme politiquement lourd de sens n’est pas innocent. Jusque-là, on euphémisait avec le « sérieux budgétaire ». « Rigueur » est un aveu d’échec. Il renvoie au « tournant de la rigueur » de Pierre Mauroy en mars 1983. À l’époque, après deux ans de réformes, les socialistes au pouvoir avaient dû charcuter les dépenses publiques, sociales, le financement des collectivités locales, et augmenter les impôts ; « tournant » politique jamais totalement assumé, Jospin évoquant une simple « parenthèse ». Douze ans plus tard, en 1995, rebelote ! Chirac avait pris le même virage en enterrant ses promesses sur la « fracture sociale ».
Plutôt que rigueur, on eût préféré entendre « bon sens ». Celui qui comble les déficits publics en creusant les comptes en banque des archimillionnaires. La « rigueur », pour paraphraser Churchill, c'est nourrir « un crocodile en espérant [qu'on] sera le dernier à être mangé ».
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