Amizmiz, Amerzagane,Talat N’Yaacoub... des villages que personne ou presque ne connaît. Des villages que la catastrophe a réduits en poussière et où on compte les morts. On espère, sans y croire, que le royaume subviendra aux premiers besoins. Ici, loin de Marrakech, le séisme prend des allures de bout du monde : la vie se résume à quelques habitants qui errent entre les gravats des maisons, ne sachant s’ils auront, le soir, une tente où se réfugier. Le tremblement de terre qui a dévasté le Maroc, nous a dévastés nous-mêmes. Nous sommes loin de ce Maroc, paradis grimé et artificieux qu'on nous maquignonne. La terre, en réveillant ses démons, nous a adressé plusieurs messages : il n’est pas de paradis dont l'enfer n'a point une clé ; il n’est pas de royaume où les hommes seraient égaux : les maisons en pisé des petits villages se sont effondrées, contrairement aux palaces et résidences de luxe de Marrakech. Et bientôt, là-haut, le froid de la montagne viendra geler les douars de l’Atlas où vivent les plus précaires.
Bien sûr, les secours font ce qu’ils peuvent dans l’effervescence de la solidarité internationale. Les ONG, dont le Secours Populaire Français, écopent en appelant à l'aide. Le roi lui-même a donné son sang ! Le Maroc médiatisera le monde pour quelques jours. Songeons donc au petit peuple des montagnes qui, depuis très longtemps, vit dans le dénuement et que le séisme a pris comme premières victimes. Songeons au petit peuple de Libye, emporté par les pluies, noyé par un déluge qu'on croyait d’un autre temps.
La nature est féroce avec les plus déshérités ; bien moins que ceux qui les ont déshérités. Mais la tectonique des classes agit dans les profondeurs refoulées, inéluctablement, vers un grand séisme social qui fera trembler le système jusque en ses fondements.
© 2024 - La Dépêche de l’Aube
Création : Agence MNKY