Les élu-es de Troyes Champagne Métropole ont voté la résiliation de la délégation de service public du réseau de chaleur de La Chapelle St Luc / Les Noës pour motif « d’intérêt général ». Derrière les mots ouatés du rapport, un certain nombre de non-dits au bénéfice d’intérêts particuliers.
La salve agacée de François Baroin, contre Jean Pierre Cornevin, l’élu communiste qui s’est prononcé contre la fin de cette délégation de service public (DSP), n’y change rien : Dans cette affaire l’intérêt général est bel et bien floué et plutôt deux fois qu’une.
Les faits sont tétus. Comment expliquer que les élu-es de droite, chantres de la délégation de service public aux sociétés multinationales, qui cèdent systématiquement depuis des années à leurs amis du Cac 40, les marchés juteux de l’eau et de l’énergie, se sentent soudain frappés du sens de l’intérêt général et du service public au point de résilier une DSP qui devait courir jusqu’en 2022.
Pour comprendre cet élan soudain, il faut se pencher sur une autre DSP. Celle attribuée par le Syndicat Départemental des Déchets à Véolia pour la gestion de l’incinérateur de La Chapelle St Luc en 2016. On y apprend qu’en fait, dès la signature de cette DSP, était prévue une recette de 520 000 € annuelle de vente de chaleur au réseau du Grand Troyes (donc à la chaufferie de La Chapelle / Les Noës) sans laquelle le budget de l’incinérateur n’est absolument pas viable. On nous aurait menti ?
Le magot de la résiliation
On voit donc bien que cette résiliation fut de fait dans les tuyaux depuis 2016 et que nos décideurs politiques de Troyes Champagne Métropole n’ont pas été frappés soudainement par la grâce de l’intérêt général. Ce qui est certain c’est que les intérêts du délégataire du réseau de chauffage, la société Selya, seront eux préservés. TCM devra décaisser entre 1 et 2.2 millions € pour cette résiliation.
À noter que la société Selya a distribué en 2020, 168 000 € de dividende à ses actionnaires.
Bernard Champagne, Maire-Adjoint communiste de La Chapelle St Luc qui s’est abstenu sur le rapport a cependant émis de sérieuses réserves sur cette somme : « S’il ne s’agit pas de dommages et intérêts c’est néanmoins une indemnité sonnante et trébuchante pour compenser ce que SELYA ne gagnera pas. »
L’incinérateur en filigrane
Dans le même temps afin de se raccorder au réseau de chauffage de l’incinérateur, le groupe Véolia demande 2.8 millions € pour une tranchée de 900m de longueur.
On aurait pu penser qu’avec un peu de pudeur, TCM demanderait à Véolia de financer ce raccordement. Pas du tout. Ce qui fit bondir Jean Pierre Cornevin : « Moi je dis que si Véolia veut vendre de la chaleur à notre réseau de chauffage, Véolia doit payer le raccordement à notre réseau. C’est cela l’intérêt général et pas ce qui nous est proposé. » Ce à quoi TCM rétorque avoir préféré la négociation, avec la baisse du prix du Mégawatt/heure.
Le problème, c’est que l’on ne connaît pas le prix initial proposé par Véolia, difficile donc de croire en une quelconque négociation.
Ce que l’on sait par contre c‘est que le prix accordé à l’usine Michelin est nettement inférieur à celui des habitants-es de la Chapelle et des Noës, usagers du réseau de chaleur.
On voit donc qu’à côté de ce problème de DSP, il y a en filigrane celui de l’incinérateur qui, outre son fardeau environnemental, doit également soutenir le poids d’un déséquilibre économique qui doit être compensé par d’autres moyens afin de garantir une bonne rentabilité au groupe Véolia.
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