L’atelier du Théâtre Populaire de Champagne (TPC) fait travailler les personnes désireuses d’apprendre comment on bouge, on parle on chante sur une scène de théâtre. Ça semble naturel pour certains. C’est coton pour d’autres, mal dans leur peau déjà dans la vie, alors sur les planches…
Madame Aïn (Marie-Hélène) s’y connaît pour mettre chacun.e à l’aise. Elle a pourtant le don de choisir des pièces pas faciles, mais tellement riches (tordues disent certains) que les uns et les unes y trouvent matière à placer leur double personne en laissant la première en coulisse.
Il y a ceux qui mettent alors leurs tripes à l’air pour créer l’événement. Erreur grossière du débutant. Ceux qui gardent calme et sang froid sont les meilleurs, foi de Diderot. Faut être naturel jure Marie-Hélène. Mais ma nature, c’est le surnaturel répond Anna. Ne dis pas aux spectateurs ce qu’ils doivent penser. Il faut qu’ils le pensent eux-mêmes. Ils doivent, par le truchement du texte, vivre l’histoire. Pas facile de jouer le poivrot par exemple. On a tôt fait d’en rajouter. Le bon poivrot au théâtre est celui qui s’excuse de le paraître.
Toutes sortes de personnages parsèment la pièce, chacun.e dans leur coin comme dans la vie, la gargotière, le paparazzo, l’aveugle, la clocharde, un chercheur, un musicien, 24 rôles à se partager entre 10 personnes. L’auteur, le Roumain Matei Visniec veut-il peindre de façon surréaliste l’époque Ceausescu dans laquelle régnait la paranoïa et le flicage. En tout cas, rien ne va de soi dans ce pays alors que le soleil va mourir demain. C’est la fin du monde. On continue quand même. Pas de prise possible sur le réel.
Bravo Adeline Colinet, Valérie Fouquet, Sylvie Garnier, Marie-Laure Gilbert, Anna Zajac, Pascal Ardouin et Ulysse Delsaux excellents chacun.e dans leurs rôles, et particulièrement à l’aise pour deux « bleus » frais émoulus, M’Beugue Tine et Fethi Cheikh, presque aussi bons que les vétéranes, genre Christiane Brasseur. Le don existerait-il ? Non, imposisble. Seul, le travail…Tout ce petit monde, heureux de revivre après tant de mois en jachères, a pu retrouver un public lui aussi privé de cette essentielle culture que défend Marie Hélène avec intelligence et passion.
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