Vendredi dernier, je suis allée à Saint-Oulph, dans le canton de Creney. Curieuse église, peu cohérente d'un point de vue architectural, faite à partir d'une maison forte du XIIe transformée au fur et à mesure des siècles en fonction des besoins, car les bâtiments anciens sont comme les constructions en Meccano : on peut les déconstruire pour réutiliser les pierres, les agrandir, les transformer en en changeant l'affectation. Recyclables.
Cependant, posé contre un flanc de l'église, tout seul et sans cartel, était un sarcophage gallo-romain. La caisse était intacte ; parfois on les trouve réutilisées comme abreuvoir ou comme auge pour les bêtes, mais là, non. Le couvercle légèrement travaillé, un peu cassé et moussu, était bien en place. C'était comme une rencontre familière, loin des sarcophages de musée, nettoyés et dûment référencés. Une émotion.
J'avais déjà rencontré ce type d'émotion en entrant dans une tombe étrusque et en voyant une croix gravée sur la paroi du fond : des hommes et des bêtes y avaient vécu au Moyen-Âge, parce que la tombe était assez vaste et qu'ils n'avaient probablement pas les moyens d'habiter ailleurs ; ils avaient, par la croix, changé simplement l'affectation de la construction. En un seul lieu, une courte histoire de l'humanité. L'histoire d'un territoire est protégée par les portes des musées, des châteaux et des églises. Et c'est normal. Mais l'air libre confère aux vestiges un pouvoir, celui de de nous permettre ce voyage vertical, vertigineux dans le temps et c'est pour cela que l'église de Saint-Oulph et son sarcophage sont un lieu magique où l'histoire de l'humanité nous aspire.
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