L'idéal révolutionnaire de 1789 inspira les Romantiques. Celui de la Commune, au siècle du capitalisme triomphant, effraya les bourgeois, artistes ou non.
« Il n’y a eu ni conciliation ni transaction. La solution a été brutale. Ç’a été de la force pure. [...] La solution a redonné confiance à l’armée, qui a appris, dans le sang des communeux, qu’elle était encore capable de se battre. Enfin, la saignée a été une saignée à blanc ; et les saignées comme celle-ci, en tuant la partie bataillante d’une population, ajournent d’une conscription la nouvelle révolution. C’est vingt ans de repos que l’ancienne société a devant elle, si le pouvoir ose tout ce qu’il peut oser en ce moment. » Edmond de Goncourt, Journal, mercredi 31 mai 1871. Peut-être pensait-il, en exprimant son soulagement face à l'écrasement du mouvement et à la boucherie faite par les soldats, au jeune artisan relieur et communard Eugène Varlin, martyrisé le 28 mai puis fusillé, et dont les soldats crevèrent le cadavre à coups de crosse. Il fallait massacrer celles et ceux qui avaient osé faire trembler l'ordre bourgeois et dissuader ainsi d'oser jamais recommencer.
La communarde est-elle une femme ?
Alexandre Dumas fils parlait d'ailleurs ainsi des communardes fusillées : « Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent – quand elles sont mortes. » La Communarde exécutée retrouve donc sa féminité lorsqu'elle cesse enfin de parler politique et de se battre pour un idéal révolutionnaire, portrait en creux de ce que le Second Empire a imposé comme modèle féminin et que Dumas fils avait déjà popularisé avec La Dame aux camélias. La femme est admirable quand elle se sacrifie pour l'amour d'un homme mais pas pour celui de l'humanité, et gare à elle si elle veut s'émanciper ! Louise Michel lui faisait horreur.
La haine du désordre social
Mais lire dans un article écrit par Zola après la Semaine sanglante, quand des milliers de cadavres gisent dans les rues : « les bandits vont empester la grande cité de leurs cadavres — jusque dans leur pourriture ces misérables nous feront du mal » est évidemment déconcertant de la part d'un auteur que l'on classe parmi les défenseurs de la classe ouvrière. À tort : il en a montré, dans toute leur crudité, la misère et les vices à une bourgeoisie qui s'en offusquait mais s'en délectait. Zola présente ainsi les Communards comme des bandits puisqu'ils veulent changer l'ordre établi et instaurer une justice sociale, c'est-à-dire faire une révolution qui ne soit pas bourgeoise. Tels sont-ils présentés chez de nombreux écrivains, avec toutefois des nuances dans l'hystérisation : des bêtes assoiffées de sang, poussées au meurtre et au pillage par la rage de posséder ce que possède la bourgeoisie, le pouvoir et l'argent. Zola, à ce moment-là, comme d'autres, se range derrière Thiers.
Alors, qui pour défendre la Commune ? Rimbaud, Courbet, qui y ont participé à des degrés différents, et, plus tard, Hugo qui se battra pour l'amnistie des prisonniers. Les autres artistes, en particulier les peintres, détournent le regard, par idéologie ou par intérêt bien compris : le marché de l'art est en pleine expansion.
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