

Culture
La nef d'une cathédrale, celle de Meaux en l’occurrence, c'est un bateau renversé, et les passagers de ce bateau font un voyage immobile et, pour un moment seulement, à l'écart de l’ennui, des problèmes de la société et des drames sans fin de l'humanité.
Quatre hommes s'y retrouvent à diverses occasions et y tiennent de longues conversations - c'est la canicule et l'air à l'extérieur est irrespirable - : un vieux professeur communiste à la culture et au vécu impressionnants, avec des espoirs toujours combattus mais jamais abandonnés, un homme plus jeune, qui se cherche, un jeune réfugié iranien qui a fui l'inquisition et la torture dans son pays et un gardien de musée peu sensible à la complexité du monde.
Une jeune femme au prénom russe, qui participe au Collectif des Morts de la rue, les y rejoint ; elle est l’incarnation de la nature, belle, généreuse et combative ; elle parle moins mais elle agit et ses actes parlent pour elle.
Un des sujets de conversation, et cela s'impose dans un tel lieu, c'est la possibilité d'un sentiment de transcendance et de sacralité quand on est communiste et athée. Comme le rappelle le vieux professeur, Lénine a été embaumé pour être salué par les générations présentes et à venir, n'est-ce pas là une forme de sacralité ? Et le secrétaire général du PC d’Afrique du Sud, assassiné en 93 par un immigré polonais anticommuniste, était chrétien.
Et ce sont des missionnaires chrétiens qui ont, les premiers, alerté sur les massacres atroces au Congo belge du roi Léopold II, sans doute10 millions de morts… Bref, la foi en le communisme ou/et en le christianisme ne se mesure qu’au degré de militantisme, et le professeur de rappeler Aragon : militer c’est être à la fois « un soldat et un rebelle ». « Comment marier les deux choses ? C’est peut-être cela aussi, la liberté. »
Tout au long du roman, des citations littéraires parfois inattendues et des références politiques parfois oubliées, irriguent le texte et donnent des réponses à cette réflexion à 5 personnages. Mais le roman a sa part de poésie, dans le goût pour la nuit - « il était nuit », « ils rencontrèrent la nuit » - et la mort, toujours présente en suspens, ou par la pestilence des cadavres, ne peut que donner à voir par contraste « l’éclatante et irrécusable vie ».
Comment vivre donc avec la certitude de la mort (sauf pour un conseiller de Trump qui pense que l'immortalité est possible et est « opposé à l'inévitabilité de la mort ») et comment vivre avec les autres ? Valère Staraselski nous livre dans ce roman foisonnant une réflexion communiste et plurielle, faisant affleurer une profonde tendresse pour tout ce qui vit et qui conduit inévitablement à l'évidence d'une sacralité, ne fût-ce que celle de la vie, et d'une spiritualité, ne fût-ce que celle de la foi en l’humanité.
Les Passagers de la Cathédrale, Valère Staraselski, Édition Le Cherche Midi, 2025
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