C’est arrivé presque sans prévenir. Je me souviens des années quatre-vingt. Les Trente glorieuses, déjà mortes, n’avaient presque pas une ride. L’an 2000, c’était le futur, celui de récits analgésiques de science-fiction. On attendait pour 1987 le départ du capitaine Buck Rogers en mission spatiale. Les émules du scientisme prophétique à la Jules Verne mettaient l’avenir à portée de rêve. Bientôt, nous serions tous vêtus de combinaisons uniformes comme les personnages de Star Trek. Nous circulerions sur des autoroutes aériennes à bord de navettes volantes. Et hop, une téléportation pour aller boire un café sur Mars ! Les maladies, la famine, le chômage ? Éradiquées. Des robots aux petits soins allaient subvenir à nos besoins, les anticiper même. Et puis l’an 2000 est arrivé. Dans le ciel, pas l’ombre d’une voiture volante : juste un trou béant dans la couche d’ozone.
Notre société de machines connectées n’a aboli ni la misère, ni l’exploitation d’un système hypertrophié devenu clanique. Le monde a fait un tête-à-queue vers le côté obscur de la farce. La réalité s’enracine dans la dystopie de Soleil Vert*, dont l’action se déroule en 2022, dans un New-York caniculaire où les humains ont épuisé la quasi totalité des ressources naturelles. En France, Sénat et Assemblée nationale jouent un mauvais remake du Parlement de Star Wars dans les heures qui précèdent l’instauration de l’Empire. Un tsar belliqueux arrose de sang son rêve d'une nouvelle "Grande Russie". Aux États-Unis ? Biff Tannen a pris le pouvoir ! Souvenez-vous : dans Retour vers le futur II, le méchant est devenu riche à milliards. Misogyne, violent, vulgaire, il habite dans une tour, possède des casinos, qui portent son nom, et se sert de son argent pour influencer les politiques. Le salut fasciste de Musk est réécrit en un salut romain ou en incontinence due au syndrome d’Asperger. Le futur antérieur se conjugue au passé décomposé.
* Film de Richard Fleischer (1973).
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