Il y a seize ans, l’hostilité de l’opinion publique à l’égard des traders était si forte que certains d’entre eux allaient à leurs bureaux de la City en jogging, costume plié dans un sac, par crainte de se faire écharper. C'était au lendemain du krach de 2008. L’onde de choc fut si traumatisante qu’en 2012, un François Hollande déboussolé désigna « le monde de la finance » comme son « véritable adversaire ». Deux ans après, il nommait au ministère de l’Économie le banquier d’affaires Emmanuel Macron. Lui président, reçoit le 23 août les « cheffes » et « chefs » à plumes des partis sur le casse-tête du Grand Sachem qui formera un nouveau Conseil des sages. On dit aujourd'hui premier ministre et gouvernement. On n'est plus des sauvages, quand même ! Lucie Castets, cigale du NFP, s'est mise en pole position et a chanté tout l'été ses « objectifs » là où on voulait bien lui tendre un micro. J'ose espérer qu'à ces palabres de braves, on n'aura pas trop fumé le calumet de la paix. La fumée, ça pique les yeux et, en politique, le porte-monnaie.
En parlant d'yeux, on en a pris plein les mirettes avec les JO. Et ces médailles qui tombaient comme à Gravelotte ! Ces shows atypiques et versicolores regardés, enfants éblouis, alors que brûlent Athènes et la Grèce, qu'un fou furieux a tué plus de 36 000 Palestiniens dont presque 8 000 enfants en neuf mois, que le marchand de canons allemand Rheinmetall, « très en pointe dans la fourniture d'armes à l'Ukraine », vient de racheter un autre marchand de canon, l'Américain Loc Performance, pour un petit milliard de dollars. C'est un 23 août - 1927 - qu'ont été électrocutés Sacco et Vanzetti ; un 23 août - 2015 - que les islamistes ont dynamité la ville antique de Palmyre en Syrie, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Comme le dit à son oncle le Tancrède du roman de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change »*. On est servis.
* Giuseppe di Lampedusa : Le Guépard (1958).
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