C'est les vacances. On met dans ses valises ses lunettes Ray-Ban, son maillot Vilebrequin et ses tongs Havaianas. On range dans le coffre de la voiture la tente Quetchua de Decathlon, le Campingaz et les boules Obut, et on glisse dans la boîte à gants le Guide du routard. Pour se protéger, on n'oublie pas la bombe Raid ni la crème solaire Nivea. Une fois sur place, on boit du Ricard, du Coca, de l’Orangina ou le Red Bull qui « donne des ailes » et on mange du sauciflard Cochonou, des chips Lay’s et du pâté Hénaff. Ce sont des « basiques ». Hommes ou femmes, ouvriers ou cadres, Marseillais ou Lillois, tous se lèvent pour les marques. Mondiales ou régionales, à la mode et iconiques, ou, à l’inverse, qualifiées de « ringardes » mais assumées pour le "fun". Hymnes à l'ivresse compulsive de la consommation, on les achète par plaisir ou pour faire comme les autres. Ces valeurs refuges, modernes « madeleines de Proust » incarnent la force des marques. Devenues des mythes, elles se nourrissent d’un storytelling écrit au fil du temps. Certaines ont même construit une véritable culture ou contre-culture autour d’elles.
Relookage de gammes, investissements publicitaires massifs, etc. Elles démontrent, alors que beaucoup d'« irresponsables » préconisent la dé-consommation, et malgré le gommage de l'appauvrissement qualitatif des produits, que les courses ne sont pas qu’alimentaires ou corvées, qu'une part hypnotique de rêve a fait son nid. Tout est fait pour que les choix ne soient pas « corsetés » par un pouvoir d’achat à forte tendance baissière, mais dopés par la force du marketing qui colorise un imaginaire collectif fictif avec ses souvenirs, ses évocations, ses émotions et nostalgies de contrefaçon. Évidemment, ce « meilleur des mondes possibles » ne laisse qu'un strapontin aux 63% de Français aux revenus mensuels inférieurs à 1 285 euros. Pour eux, envers et contre tout, c'est pas les vacances.
* Pour plus d’informations, lire La tyrannie des marques de Naomi Klein
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