Aucune démocratie ne peut vivre sans liberté. Mais la démocratie doit aussi assurer la sécurité des citoyens. S’il faut combattre la violence, le terrorisme, la délinquance et la criminalité qui gagnent des lieux abandonnés par la République, ce ne saurait être au prix des libertés fondamentales. Or l’État accroît par touches successives son contrôle ; en légalisant l’usage de technologies de surveillance ; par le décret sur l’élargissement des fichiers de police qui ne fichent pas une activité mais des opinions politiques, philosophiques, religieuses, une appartenance syndicale, etc. On surveille l’individu pour ce qu’il est et non pour ce qu'il fait. Le pouvoir produit désormais ses propres valeurs qu'il impose à la société civile. Dérive problématique qui pourrait facilement s'extrapoler en une police de la pensée, voire une police de la moralité, comme en Iran jusqu'en 2022.
Il nous faut être vigilants et nous rappeler que si l'on veut demeurer dans le cadre de la démocratie, il importe de ne pas sacrifier la liberté du plus grand nombre pour éradiquer le mal provoqué par des minorités agissantes. L’enjeu est primordial car, de fil en aiguille, si l’on n’y prend garde, le désir bien naturel de sécurité pourrait compromettre les libertés sur lesquelles la démocratie est construite. Car quelle que soit l'intention première, les outils de coercition finissent souvent par être extrapolés. La brumisation brune sur l'Europe, déjà coagulée dans certains de ses États, n'est pas du meilleur augure. Mais il y a pire. Georges Bernanos l'a pointé du doigt : « La pire menace contre une liberté n'est pas qu'on se la laisse prendre - car qui se l'est laissé prendre peut toujours la reconquérir -, c'est qu'on désapprenne de l'aimer, ou qu'on ne la comprenne plus ». Alors apparaît un totalitarisme sournois qui s'immisce dans les rouages les plus fins de notre société. Liberté chérie. Chère liberté dont il faut payer le prix. Y sommes-nous tous vraiment prêts ?
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