Eric Lebel vient de réaliser un film sur Clairvaux dont la maison centrale vient de fermer. Ce film a attiré un nombreux public en plusieurs séances au cinéma Utopia. Malgré quelques belles prises de vue au-dessus de cet immense domaine ainsi qu’à l’intérieur du monument, ce ne fut nullement un film patrimonial. « Je m’attendais à voir des pierres, je n’ai vu que des hommes » dit un spectateur. Ce ne fut pas non plus un film historique. À part quelques images furtives de quelques noms sur des fiches (Guy Môquet, Buffet, Bontemps), rien ne fut réellement évoqué du riche passé de cette ancienne abbaye cistercienne devenue prison d’état après la Révolution. Le travail des historiens Dominique Frey et Lydie Herbelot aurait pu permettre un développement fort intéressant ce que je pus signaler lors du débat qui suivit la projection.
Donc, ni historique, ni patrimonial, mais quel était donc cet objet pourtant de qualité ? Un film pour philosophe sans doute. Car l’auteur n’eut de cesse de comparer l’enfermement volontaire des moines de Clairvaux (en prenant l’exemple des moines cisterciens de Cluny) et l’enfermement forcé des condamnés à de lourdes peines. La comparaison ne s’arrête pas là puisque la révolution provoquée par Bernard de Clairvaux consistait à mettre les moines au travail afin de pouvoir vivre cloitré et en autarcie. Faire entrer le travail rémunéré à la Centrale peut sembler un bon parallèle.
La réinsertion des détenus, mission de la pénitentiaire, fut évoquée. Mais l’exemple de ce prisonnier sauvé par un engagement dans le bouddhisme n’avait rien d’exemplaire sauf à renforcer l’idée du cinéaste sur les parcours croisés des moines et des détenus. Non, la prison ne pacifie pas.
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