Quand les Aubois affirment qu'être hospitalisé à Brienne, c'est aller à l'hôpital des fous, la formule est brutale mais reste souvent juste : l'hôpital psy actuellement appelé EPSMA, (Etablissement public de santé mentale de l'Aube) a d'abord été conçu pour les psychotiques délirants (en premier lieu les schizophrènes).
Par Alain Buathier, Psychologue retraité EPSMA
Pour tous les cas de névroses, passé l'éventuel état de crise, le plus souvent suicidaire et après avoir accroché les wagons thérapeutiques, on soigne « dehors » en ambulatoire. Or on constate dans l'Aube que de 263 lits d'hospitalisation à temps complet en psychiatrie adulte en 2013, on est passé à l30 lits à la mi-2023. Qui plus est, en septembre dernier, on a fermé le Centre de Post-cure de Troyes avec ses 19 lits qui était justement utilisé par et pour les patients psychotiques après une hospitalisation longue en mois ou années pour se réacclimater à la vie extérieure, à la ville. Ceci est hautement symbolique de la tendance nationale qui affirme dans les antichambres ministérielles qu'il faut arrêter de dépenser inutilement de l'argent pour ces gens qui seraient irrémédiablement « cassés » et pour cela les sortir du champ sanitaire (hospitalisations prises en charge à 100% par la Sécu) et transformer leurs unités d'hospitalisation en unités médico sociales où l'hôtellerie reste à charge du patient ou de sa famille.
Question : Nous les communistes, avons-nous mauvais esprit quand nous affirmons que le démantèlement du public est également et volontairement fait pour creuser le lit du privé ? Quelle surprise d'apprendre l'annonce de la création d'une clinique psychiatrique privée de 80 lits à Pont-Ste-Marie !... Cela va sceller la mort de la politique de secteur issue du Conseil National de la Résistance ( son « père » fondateur était le psychiatre communiste Lucien Bonnafé ), dont le maître mot est « avant tout assurer la continuité des soins » entre l'intra et l'extra-hospitalier...
Deux choses à savoir sur le fonctionnement « thérapeutique » des cliniques psychiatriques déjà existantes en France dans nombre de départements :
La première est la grande fréquence du diagnostic de bipolarité. Or il faut savoir que ce vocable a historiquement été avancé pour qualifier l'humeur passant d'un extrême à l'autre d'une psychose extrêmement rare, la psychose maniaco-dépressive. La phase maniaque donne une humeur au-delà de l'euphorie accompagnée d'un sentiment de toute puissance... par exemple cette patiente qui avait brûlé plusieurs feux rouges car il lui fallait aller très vite « sauver le monde », ou encore ce médecin généraliste pensant avoir diagnostiqué une péritonite chez un enfant l'avait aussitôt couché sur son bureau pour l'opérer à vif et l'avait ainsi tué... Quant à la phase dépressive extrême qu'on appelle mélancolie, elle s'accompagne souvent d'un délire d'auto-accusation pour un fait somme toute anodin mais pour lequel le malade va estimer mériter la mort et peut alors rester figé, prostré et ainsi mourir de soif à côté d'un verre d'eau s'il n'y avait l'entourage pour réagir.
Cependant dans les cliniques psy, les diagnostics de bipolarité pullulent. Bien sûr, nous avons tous des hauts et des bas dans notre vie, des jours avec et des jours sans, des jours gais sans savoir pourquoi et des jours tristes sans savoir pourquoi non plus. De ce point de vue, nous sommes tous bipolaires. Tout cela exactement comme si une personne disait « mon généraliste est très fort car quand je lui ai dit que j'avais mal à la tête il a tout de suite diagnostiqué que je souffre de céphalées », ce qui avec un mot différent signifie exactement la même chose. Finalement Molière est encore vivant...
La deuxième chose est la fréquence des prescriptions de sismothérapies appelées également électro-narcoses, à savoir des électro-chocs sous anesthésie générale. Cela fait 50 ans que cela ne se pratique plus à l'hôpital public. Ils avaient pour seul intérêt l'amélioration de l'humeur des personnes mélancoliques. Avec la survenue des médicaments antidépresseurs bien plus pratiques et efficaces (car on peut jouer sur les doses), les électro-chocs sont devenus caducs sauf pour un seul cas théorique : le mélancolique cardiaque pour lequel l'anafranil aurait des effets secondaires néfastes. Est-ce être mauvaise langue de faire un lien entre la fréquence des diagnostics de bipolarité et celle des prescriptions de sismothérapies ? On peut également s'interroger sur le fait que la sismothérapie est cotée par la Sécu comme un acte chirurgical et qu'à chaque fois le tiroir-caisse de la clinique fonctionne bigrement...
Face à tous ces reculs historiques en matière de psychiatrie, nous, communistes continuerons à nous battre pour l'application du programme de la Santé du Conseil National de la Résistance, plus que jamais d'actualité.
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