Si la vache avait pu parler, elle en aurait fait tout un fromage. Coincée entre les éleveurs et les forces de l’ordre, au Salon de l’agriculture, victime collatérale de l’hostilité manifestée au chef de l’État. Le bovidé rumine encore sa colère. Elle a vu défiler le troupeau des grands chefs à plumes, parcourant les allées avec leurs gros sabots, serrant des mains ou enfonçant des portes ouvertes tout en lançant des oeillades aux caméras. Depuis La Fontaine, le laboureur et ses enfants savent que « c’est le fonds qui manque le moins » et que « le travail est un trésor ». Le diaphane Bruno Le Maire leur a expliqué que ce sont désormais les fonds qui manquent le plus. Pour se consoler, les professionnels ont eu droit à des brouettées de compliments creux de visiteurs incapables de distinguer une poule d’un dindon. Cela pourrait être comique si, derrière tout cela, il n’y avait pas une corporation en souffrance et des enjeux nationaux cruciaux d’autosuffisance alimentaire.
Il ne suffira pas de quelques rustines pour calmer la colère. C’est tout le système qu’il faut transformer au nom de l’intérêt général humain et de la nature, avec un projet alternatif de développement agricole et alimentaire. Un projet mettant en corrélation rémunération correcte du travail, préservation de l’environnement, droit universel à l’alimentation de qualité. Le savoir-faire paysan de longue tradition combiné à l'utilisation de la photosynthèse, à la rotation des cultures, à la valorisation des diversités variétales et animales, peuvent permettre d’utiliser moins d’engrais et de produits phytosanitaires et d’améliorer ainsi la fertilité des sols et les rendements.
Pour paraphraser Sitting Bull*, quand nos têtes pensantes auront découragé le dernier paysan, récolté le dernier fruit et laissé en friche le dernier champ, alors elles s’apercevront que les effets d'annonces politiques ne se mangent pas.
* Chef Sioux : « Lorsque le dernier ruisseau sera pollué, le dernier animal chassé et le dernier arbre coupé, l'homme blanc comprendra que l'argent ne se mange pas. »
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