Panthéonisation
Missak Manouchian a intégré mercredi le temple républicain, avec son épouse Mélinée, quatre-vingts ans après avoir été fusillé par les nazis. Avec lui, c’est toute la Résistance communiste et étrangère qui se voit honorée à la hauteur de son sacrifice pour libérer la France.
Les communistes sont entrés au Panthéon. Le corps du résistant d’origine arménienne Missak Manouchian repose désormais avec celui de son épouse Mélinée dans le temple républicain. Vingt et trois autres noms ont été gravés dans la crypte. Vingt et trois autres résistants membres des FTP-MOI, exécutés eux aussi par les nazis avec Missak Manouchian, il y a quatre-vingts ans.
Vingt et trois noms pour honorer toute la Résistance communiste, qui n’était pas encore représentée au Panthéon, alors qu’elle a versé son sang sans compter. Vingt et trois noms qui célèbrent la part cruciale prise par les étrangers pour libérer la France du fascisme. Vingt et trois noms qui convoquent des parcours qui ne font qu’un : ici des ouvriers et des poètes ayant survécu au génocide des Arméniens, ici des juifs polonais, hongrois ou roumains déterminés à prendre les armes contre le nazisme, ici des Italiens ayant fui Mussolini. Là un Espagnol, ancien membre des Brigades internationales. Tous guidés par un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité. Tous combattants de l’Internationale.
Auraient-ils tous parié qu’ils seraient ainsi honorés, malmenés qu’ils furent leur vie durant ? Leur famille enfermée, déportée ou assassinée ? Leur demande de naturalisation rejetée ? Leur accueil refusé au moment de rejoindre la France, parqués dans des camps et déclarés indésirables après la guerre d’Espagne ? Leurs droits déchus avec l’ignoble statut des juifs sous Vichy ? Leur veste et leur coeur souillés par une étoile jaune ?
Bien avant leur entrée au Panthéon, ces militants avaient trouvé leur dignité dans le combat. Dans le refus de se soumettre dans la cité comme à l’usine. Dans leur choix de la lutte armée contre l’occupant. Dans leur grandeur, même quand les nazis tentèrent sans y parvenir de les salir en les exposant sur une « Affiche rouge » pensée pour leur coller les mots de terroriste et d’indésirable à la peau.
Le discours d’Emmanuel Macron
Le Panthéon a repris des couleurs, à n’en pas douter, quand ils y sont entrés mercredi. Ce temple de la République n’a-t-il pas vocation, depuis la Révolution française, à accueillir les grands personnages de l’histoire ? Missak Manouchian y repose désormais, et avec lui la foule des résistants communistes et des FTP-MOI.
Le président de la République a salué cette mémoire, convergeant vers l’édifice au bras de Léon Landini, ancien résistant des FTP-MOI. Emmanuel Macron a prononcé un beau discours. Si la politique qu’il mène n’est pas, loin de là, consacrée au respect des conquêtes issues du programme d’émancipation démocratique et sociale du Conseil National de la Résistance, ses propos, mercredi, étaient dignes de l’événement.
Devant les colonnes du Panthéon, dos aux grands portraits des résistants et devant un large public venu communier, le chef de l’État rappelle avec justesse « l’odyssée » de Manouchian et de ses camarades. Il souligne le sens de leur engagement pour « l’Internationale de la liberté, de l’amour et du courage ». Des hommes et des femmes « convaincus qu’en France on ne peut séparer République et Révolution ».
« Parce qu’ils sont communistes, ils ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine, enfants de la Révolution française, guetteurs de la révolution universelle », mesure-t-il, louant leur engagement antifasciste et fustigeant la police pétainiste qui organisa leur traque.
Avant la cérémonie, le PCF et la CGT s’étaient réunis avec des centaines de militants, rue de Plaisance, où a vécu le couple Manouchian
Dans son discours, Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF s’adresse directement à Manouchian : « Regarde, Missak, combien tu avais raison. À travers Mélinée et toi, c’est toute la mémoire de tes camarades, des FTP-MOI, que la Nation salue avec infinie reconnaissance. »
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, prend elle aussi la parole. La syndicaliste rappelle comment la CGT, dans les années 1930 et 1940, a permis de « créer une solidarité de classe entre Français et étrangers ». Elle raconte qu’avant d’être secrétaire général de la CGT, Henri Krasucki commença à militer au sein de la MOI, choisissant ensuite d’entrer en résistance et d’intégrer la FTP-MOI, se liant d’amitié avec Marcel Rajman.
À 20h, le cercueil rejoint la crypte, où reposent dix-sept compagnons de la Libération. Jusqu’à minuit, le public nombreux est invité à rendre hommage à Missak Manouchian. Quand minuit arrive, les portes se ferment. Une nouvelle nuit d’un sommeil infini ; la promesse, à l’aube, d’une reconnaissance éternelle.
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