

Le camarade Gérard n’en est pas encore revenu. Lui l’habitué des manifs ouvrières où le défilé au coude à coude et le partage de la frite merguez fleure bon la fraternité et la quête des jours heureux, s’en est allé soutenir « ceux du bâtiment ». Hier avec les enseignants, puis les agriculteurs, appareil photo au point, notre Gérard ne voudrait pas rater les prémices d’un joli mois de mai. Ne vla t’y pas qu’il se retrouve devant la préfecture au rassemblement de la CAPEB, le syndicat patronal de l’artisanat du bâtiment. Là, point de ferveur populaire mais la démonstration de celui qui a le plus gros engin.
Quelques photos des gros camions et pelleteuses de toute sorte, et soudain, un malaise. Gérard qui n’est pas au mieux de sa forme, diabétique de surcroit est au bord de l’hypoglycémie, il va s’évanouir, et là à quelques mètres, un buffet aménagé sur quelques tréteaux. Gérard tend le bras… une tranche de saucisson, un bout de pain pour ne pas sombrer. « Hep là toi, relâche ça, ce n’est pas pour toi !! » lui ordonne le beauf de service. « Je suis en train de faire un malaise, je suis diabétique. » « Rien à foutre si t’es pas content téléphone à Macron ». Abasourdi Gérard précise à nouveau son état. Cette fois il s’y mettent à deux. « Dégage on t’a dit ! »
Laisse tomber Gérard, ta France à toi c’est celle que chantait Ferrat, « celle qui monte des mines, descends des collines », « celle qui chante en moi la belle, la rebelle », « celle de trente six à soixante huit chandelles ». Là c’était juste un buffet de con.
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