Loi immigration
Il est rarissime de voir Jacques Toubon exhorter ses concitoyens à descendre défiler dans la rue. Et il est tout à fait inhabituel pour l’ex-Défenseur des droits, homme de droite, de le faire dans l’Humanité aux côtés des premières dirigeantes de la CGT et de la CFDT, et des numéros un du PCF, du PS, des Verts et de la FI.
L’ancien ministre de Jacques Chirac n’est pas un élément égaré parmi les 201 personnalités qui appellent à manifester le 21 janvier – pour l’Aube ce sera le samedi 20 janvier à 14 heures place de l’Hôtel de Ville à Troyes – contre la loi asile et immigration. Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), la troisième chambre de la République qui pratique comme aucune autre l’art du compromis, n’est pas non plus un agitateur. De même que les députés des groupes Liot et Renaissance, ainsi que plusieurs figures des cultes.
Ce texte n’est pas un appel de plus. L’arc des forces qu’il agrège pour appeler à une manifestation contre une réforme gouvernementale est inédit, et cela devrait alerter au plus haut sommet de l’État.
Au moment où certains ministres se montrent prêts à renier ce qui leur reste de valeurs pour ne pas devenir les sacrifiés du futur remaniement gouvernemental, Emmanuel Macron devrait se pencher sur le casting de cet appel qui lui indique l’impasse dans laquelle il s’enferre. Il comprendrait pourquoi il est vain d’espérer une sortie de ses difficultés par un changement d’équipe si ce dernier ne s’accompagne pas d’un changement de politique qui prenne enfin acte qu’il ne dispose pas de majorité législative et qu’il a été élu pour combattre et tenir à distance le Rassemblement national en préservant la République. Soit tout l’inverse de ce qu’il a entrepris avec la loi asile et immigration, votée avec l’appui des voix et des idées de l’extrême droite.
Cette initiative de ce week-end prochain va tenter de réussir là où le Parlement a failli devant les arrangements de la droite, de l’extrême droite et du camp présidentiel. Le résultat a été si désastreux que l’exécutif lui-même se dit maintenant favorable à une censure ciblée du Conseil constitutionnel. Quelle honteuse et hasardeuse manoeuvre, à laquelle l’appel des 201 répond par la clarté des principes et celle des modes d’action.
Dans notre diversité d’idées, d’engagements, de professions, nous exprimons notre grande inquiétude après le vote de la loi dite « asile-immigration ». C’est un tournant dangereux dans l’histoire de notre République.
D’abord parce que cette loi ne répond pas aux causes de l’exil forcé d’hommes, de femmes, d’enfants fuyant les guerres ou le réchauffement climatique, ni aux défis de l’accueil dans la dignité, ni au défi de la définition d’une politique digne et humaine d’intégration.
Ensuite, parce qu’elle a été rédigée sous la dictée des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de « préférence nationale ». Elle torpille les piliers porteurs de notre pacte républicain, hérité du Conseil national de la Résistance. Elle s’attaque ainsi au droit du sol autant qu’aux droits fondamentaux proclamés par la Constitution : au travail, à l’éducation, au logement, à la santé… Ce faisant, tous et toutes, Français autant qu’étrangers, nous nous trouvons menacés.
Victor Hugo écrivait : « Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. »
Soucieux de rassemblement et de solidarité plutôt que de division sans fin de notre société, nous demandons au Président de la République de ne pas promulguer cette loi. Le dimanche 21 janvier nous appelons à manifester dans notre diversité notre attachement à la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité. »
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