International - Moyen-Orient
Les risques d’extension de la guerre menée par Israël à Gaza sont à leur paroxysme. Alors que le déluge de feu a déjà fait plus de 22 000 morts dans l’enclave palestinienne, le gouvernement de Benyamin Netanyahou a décidé de frapper mardi dans la banlieue de Beyrouth pour éliminer le numéro 2 du Hamas.
Jusque-là seules des attaques de faibles intensités avaient été initiées par les forces et milices régionales. Cette opération israélienne fera-t-elle basculer la situation ? « Nous sommes hautement préparés pour tout scénario », a fait savoir le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari, tandis que le premier ministre semble décidé à s’enferrer dans une fuite en avant meurtrière. De son côté, s’adressant aux Israéliens mercredi soir, le chef du Hezbollah a déclaré : « S’ils pensent lancer une guerre contre le Liban, elle sera sans plafond, sans limite et sans retenue. Ceux qui envisagent de nous faire la guerre le regretteront et le conflit sera très coûteux pour eux. »
« Le spectre d’un conflit incontrôlé aux conséquences dévastatrices pour la population des deux pays (Liban et Israël – NDLR). » La mise en garde vient de Mohamed Khaled Khiari, secrétaire général adjoint de l’ONU. Si les échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah libanais avaient lieu le long de la frontière ces dernières semaines, les frappes, comme cette attaque de drone dans la capitale libanaise, touchent désormais en profondeur le territoire adverse. « Le risque d’erreur de calcul et de nouvelle escalade augmente à mesure que le conflit à Gaza se poursuit », pointait ainsi le diplomate.
Trois mois après l’attaque du Hamas, le 7 octobre, qui a fait 1 200 morts, et le déclenchement par Israël d’une intervention militaire inédite par son ampleur, ses destructions et ses massacres (plus de 22 000 morts dans l’enclave palestinienne), la diplomatie semble incapable d’enrayer la guerre. Outre un embrasement à la frontière israélo-libanaise, les groupes paramilitaires chiites ont mené des attaques contre les troupes américaines en Irak et en Syrie. Les rebelles houthis au Yémen ont tiré plus de 100 missiles et drones sur des navires en mer Rouge, incitant le Pentagone à créer une nouvelle force opérationnelle navale pour faire face à la menace.
À la frontière libanaise, la pression minimale du Hezbollah.
« C’est Netanyahou, franchement, qui dicte les termes sur tous les fronts, à Gaza, à la frontière libanaise, dans la région. C’est sa guerre, explique Khaled Elgindy, chercheur au Middle East Institute de Washington, interrogé par The Guardian. Je pense que chaque jour qui passe nous rapproche d’une expansion régionale de tout ce désordre. » On peut supposer que le Hamas a tenté d’impliquer le Hezbollah libanais et des groupes militants en Cisjordanie et dans toute la région pour déclencher une guerre régionale qui ramènerait la cause palestinienne au centre du débat au Moyen-Orient.
Mais quand Israël a riposté à Gaza en promettant de détruire le Hamas, le Hezbollah n’a pas immédiatement rejoint le combat. Le leader du parti chiite, Hassan Nasrallah, ne s’est publiquement exprimé que le 3 novembre, pour dire qu’« il s’agit d’une bataille purement palestinienne et elle n’est liée à aucun dossier régional ou international ». Il ajoutait que « le développement des choses sur le front sud est lié au cours et au développement des événements à Gaza et au comportement de l’ennemi sioniste envers le Liban », tout en mettant en garde Israël si une attaque était décidée contre le pays du Cèdre. « Toutes les options » sont sur la table et la possibilité d’un conflit ouvert est « réaliste », martelait Nasrallah. Le danger est donc bien réel même si, jusque-là, le Hezbollah s’est bien gardé d’utiliser ses missiles à longue portée. Ces dernières semaines, Israël a évacué 70 000 personnes de sa frontière nord. Au Liban, 120 000 personnes ont fui leur foyer.
Seule la guerre peut sauver Netanyahou.
« Certes, nous sommes préoccupés par le conflit, la propagation de la crise dans l’ensemble de la région, mais jusqu’à présent, je pense que nous avons fait un très bon travail pour empêcher que cela se produise et nous allons rester concentrés là-dessus », a expliqué le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin. Pour lui, les craintes d’une guerre régionale plus large au Moyen-Orient disparaîtront probablement une fois qu’Israël aura réorienté sa mission militaire à Gaza vers des opérations de combat de moindre intensité.
Ce faisant, il feint d’ignorer le nettoyage ethnique, voire le génocide en cours auquel les peuples de la région et au-delà sont opposés. Il ne considère pas non plus la répression en Cisjordanie. Et, surtout, le dirigeant américain fait comme si Netanyahou ne mettait pas en place son propre agenda. Celui-ci vise à rester au pouvoir pour éviter d’être pris dans l’engrenage de la justice. Quoi de mieux qu’une guerre impliquant toutes les parties régionales, dont l’Iran, forçant ainsi les États-Unis à soutenir jusqu’au bout cette fuite en avant.
Face à la menace d’un embrasement imminent, Emmanuel Macron a appelé - après coup - Israël à « éviter toute attitude escalatoire notamment au Liban » et dit son souhait d'« oeuvrer à un cessez-le-feu durable ». Il est temps de passer des discours aux actes, et pour Paris cela pourrait commencer - au moment où des ministres israéliens entendent vider Gaza de ses habitants palestiniens - par reconnaître officiellement l’État de Palestine.
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