Éric Dupond-Moretti a sauvé son maroquin. Jugé pour prises illégales d'intérêts, relaxé, il reste ministre de la Justice, comme l'a confirmé E. Borne, accourue toutes affaires cessantes le féliciter et se faire tirer le portrait avec le « miraculé ». Un pour tous, tous comme un ! Ceux qui croyaient à sa condamnation sont restés avec un arrière-goût de banane, façon Beaujolais nouveau. Fidèle à sa légendaire mansuétude, la Cour de justice de la République (CJR), institution d'exception pour des personnes d'exception (membres du gouvernement) en cas de crimes ou délits commis dans l'exercice de leur fonction, a confirmé sa débonnaireté de machine molle politique. Mais coûteuse ! Pour 2024, la dotation demandée est de 984 000 euros. Le salaire annuel de cinquante smicards. Le loyer de ses locaux, dans le très chic 7ème arrondissement de Paris, coûte à lui seul 497 000 euros.
La « singularité » de la Cour de justice de la République serait liée, disent les mauvaises langues, à sa composition : trois magistrats professionnels « encadrés » par six députés et six sénateurs. François Hollande avait promis en 2012 de la supprimer. En 2013 et 2019, deux projets de loi constitutionnelle ad hoc ont été remisés dans les oubliettes. Si cette décision a ôté une écharde du pied du chef de l’État, l'affaire laissera néanmoins des traces. D’abord parce le Garde des sceaux l'a scellée du sceau de l’inédit : jusque-là, l’usage voulait qu’un ministre mis en examen démissionne. E. Macron, tendant à l'extrême la corde de la présomption d’innocence, a permis un spectacle kafkaïen : jugé, Dupond-Moretti restait néanmoins le ministre de tutelle du procureur qui a requis contre lui. En avril, à une étude du Cevipof*, seuls 44% des Français.e.s ont répondu avoir confiance dans la justice. Bizarre.
* Centre de recherches politiques de Sciences Po
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