Un oeil sur l'Europe - Islande
Elles étaient environ 100 000, sur une population de 375 000 Islandais, à faire la grève totale (travail + famille) le 24 octobre avec un mot d'ordre « Vous appelez ça l'égalité ? ».
Leurs revendications ne portent pas seulement sur l'égalité salariale mais aussi sur l'élimination des violences sexuelles et de genre, sur l'élimination de la pauvreté, et sur le partage de tout ce qui est fait avant et après le travail : « Nous attendons des maris, des pères, des frères et des oncles qu'ils assument les responsabilités liées à la famille et au foyer, par exemple : préparer le petit-déjeuner et le tupperware pour le déjeuner, se souvenir des anniversaires des proches, acheter un cadeau pour la belle-mère, prendre rendez-vous chez le dentiste pour l'enfant, etc. » Bref, elles veulent la reconnaissance de leur rôle économique et social, un rôle essentiel.
La Première ministre, une féministe, participait à la grève et a annoncé que toutes les fonctionnaires grévistes seraient payées. Qui, au pays des Lumières, imaginerait E Borne défendre ainsi par l'exemple la cause des femmes ? En France, les ministres se limitent aux discours.
Les Islandaises inaugurèrent ce type de grève totale le 24 octobre 1975. Les hommes, à cette époque, avaient pris l'annonce de cette grève comme une grosse plaisanterie, mais quand ils se sont rendu compte que les repas n'étaient pas faits, les enfants pas emmenés à la crèche qui, d'ailleurs, ne fonctionnait plus qu'avec quelques employés masculins, qu'il n'y avait plus ni infirmières ni secrétaires ni ouvrières ni demoiselles des Postes ni commerçantes, ils ont bien perçu que sans elles le pays était paralysé. C'était déjà ça...
Cette question du rôle social et économique des femmes avait été abordée dans une comédie d'Aristophane, Lysistrata, écrite en 411 av. JC, pendant la guerre du Péloponnèse. Une Athénienne, Lysistrata - son nom signifie « qui délie l'armée » -, rassemble sur l'Acropole des femmes d'Athènes mais aussi des citoyennes de villes en conflit avec Athènes, pour les engager à faire la grève du sexe afin d'obtenir la paix.
Les femmes décrivent alors leur quotidien : la maison, les enfants, le filage, le tissage, la disponibilité sexuelle et, si elles se refusent, les coups ou le viol. En somme pour l'homme, la femme est épousée pour procréer et faire fructifier son bien, c'est tout. Aristophane n'était pas féministe mais mettait en évidence la possibilité d'une révolte à force d'étouffer toute liberté. 2400 ans après, les Afghanes en sont toujours là.
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