Aube - Environnement
Le péché originel de l’incinérateur de La Chapelle-Saint-Luc, à savoir son surdimensionnement dénoncé dès le début par ses opposants, trouve aujourd’hui une explication concrète. Les faits sont têtus et c’est à nouveau l’association Aube Durable qui en fait la démonstration.
Sans tambour, ni trompette, ni sans en avertir préalablement les membres de la Commission de Suivi du Site (CSS) chargée par la préfecture de suivre le fonctionnement de l’incinérateur, la capacité de ce dernier va être augmentée de 10%. Soit 6 000 tonnes de déchets supplémentaires, certes en provenance de Saint-Aubin, qui ne seront donc pas enfouis mais qui vont partir en fumée.(1)
Pourquoi la société Valaubia demande-t-elle cette augmentation ?
Selon les documents officiels, cette demande est la conséquence des mauvaises performances énergétiques de l’incinérateur. Celui-ci ne produit pas assez d’énergie par rapport aux tonnages brûlés. Or, la production d’énergie et sa revente (notamment auprès des industriels) est un élément important pour l’équilibre économique de l’usine. En fait, ce sont les biodéchets présents dans nos poubelles qui expliquent les très mauvaises performances de l’incinérateur. Ces biodéchets sont des déchets verts et des restes de repas essentiellement composés d’eau et dont la combustion produit très peu d’énergie.
Aujourd’hui, l’incinérateur brûle 60 000 tonnes de déchets dont 55 000 d’OMR (ordures ménagères résiduelles) - vos poubelles grises. Parmi ces OMR, un tiers (environ 18 000 tonnes) sont des biodéchets. Et le résultat est sans appel : chaque kilo d’OMR ne produit que 1 974 kcal. C’est ce que l’on appelle le pouvoir calorifique inférieur des déchets (PCI) Il désigne la quantité de chaleur produite par chaque kg de déchets. Or, il devrait produire 2 450 kcal, selon les engagements de Valaubia. Ce PCI est donc insuffisant pour l’entreprise et c’est pourquoi elle souhaite augmenter la capacité pour compenser, par la quantité, la mauvaise qualité des déchets.
Démonstration est faite que l’incinérateur est bien surdimensionné
En augmentant de 10% la capacité de l’incinérateur pour lui permettre d’assurer la production d’énergie suffisante, Valaubia et les responsables locaux indiquent en creux qu’il faut a minima 61 000 tonnes d’OMR à cet outil pour fonctionner correctement. Or, l’Aube ne produit que 73 000 tonnes d’OMR dont 4 000 tonnes partent à Chaumont (Pour le Sud-Est du département, Chaumont offre un exutoire plus proche pour les déchets). Faites le calcul : pour arriver à 61 000 tonnes (73 000 t. moins 4 000 t.), il ne reste plus que 8 000 tonnes à supprimer. Lorsque l’on sait que les biodéchets représentent à eux seuls 25 000 tonnes, et que ceux-ci doivent être sortis de nos poubelles à partir de janvier 2024 (faisons grâce des autres déchets nombreux qui pourraient être également sortis de nos poubelles grises) ; il ne reste donc plus grand-chose à brûler.
Donc sauf à compromettre le bon fonctionnement de l’incinérateur, les responsables locaux n’ont donc plus d’intérêt à réduire les déchets. Voilà pourquoi cet incinérateur représente un obstacle majeur aux politiques de réduction et de prévention des déchets.
1 - La production des REFIOMS (hautement toxiques) passera d’une autorisation de 1 830 tonnes/an à 2100 tonnes/an. Idem pour les mâchefers dont la production passera de 11 700 tonnes/an à 14 000 tonnes/an. Document de la DREAL du 4 juillet 2023 portant sur la demande d'augmentation de la quantité de déchets autorisés sur l'UVE.
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