Pendant le creux journalistique estival, les médias nous ont tenus en haleine avec le feuilleton du Journal du dimanche, catéchisme dominical de la bourgeoisie néolibérale, réputé en particulier pour son exécration des mouvements sociaux. En juin, Bolloré y a imposé un directeur « proche » de l’extrême droite. Une grève du personnel, dérogeant aux principes, et une salve de pétitions et de tribunes n’ont pas empêché une reparution recalibrée sur les idées du nouveau propriétaire. On dit que Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. Longtemps les élites françaises ont encouragé le contrôle des grands moyens d’information par les puissances d’argent, fustigeant comme « populiste » toute critique de ces liaisons dangereuses. Puis le vent a tourné la page. Face à la puissance des Bolloré - ou Musk aux USA - il est devenu seyant, à la fois de dénoncer la mainmise de milliardaires sur les médias… tout en écartant les solutions susceptibles d’y remédier. Pourtant, soit l’information relève d’un service d’utilité collective et sa production doit échapper au marché, soit elle est une marchandise et nul ne peut alors empêcher qu’elle s’achète et se vende comme une boîte de petits pois.
La ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, a résumé la quadrature du cercle médiatique d’un trait d’humour autant involontaire que schizophrénique : « On ne peut ni contraindre la liberté de la presse, ni contraindre la liberté d’entreprendre ». Même donc si la seconde fait peser une menace mortelle sur la première. Au fond, les « indignés » de la classe dirigeante ne déplorent pas que la liberté de la presse se réduise à une propriété. Ils s’inquiètent qu’un journal qui les servait échappe à leur contrôle exclusif. Un rachat par Bernard Arnault les aurait-il fait moufter ?
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