Histoire
Devant les représentants des fédérations parisiennes du PCF et du PS, Fabien Gay, directeur de L’Humanité et sénateur communiste s’interroge : « Qu’aurait pensé ce travailleur vigoureux et infatigable, ce tribun du peuple, du moment que nous vivons aujourd’hui ? Comment aurait-il mis en oeuvre son incroyable énergie et sa pensée féconde dans ce moment ? »
« À la veille de sa mort, dans le numéro du 30 juillet, Jaurès publiait son dernier article, intitulé “L’oscillation au bord de l’abîme”, évoque Fabien Gay. Une formule qui est aujourd’hui à nouveau d’une actualité criante. » À commencer par l’opposition à la réforme des retraites. « C’est la force brute du capital, maniée par une oligarchie, qui domine tous les rapports sociaux ; entre le capital qui prétend au plus haut dividende et le travail qui s’efforce d’aller vers un plus haut salaire, il y a une guerre essentielle et permanente. La grève n’est qu’un épisode de cette guerre », écrivait Jaurès dans son éditorial du 30 décembre 1906.
En 2023, le socialiste n’en croirait pas ses yeux. Le plus important mouvement social français de ces trente dernières années n’aura pourtant pas fait fléchir la volonté du gouvernement de faire reculer l’âge de départ à la retraite. « Par leur autoritarisme et leurs coups de force successifs, par leur mépris, estime Fabien Gay dans son discours, ils portent atteinte non seulement à la volonté de la majorité du pays, aux représentants du peuple au Parlement, mais encore à notre République et à notre démocratie (…) Et à mesure que s’accroissent les atteintes à la République, les contestations montent et se font plus violentes », avise-t-il, citant les récentes révoltes qui ont suivi la mort du jeune Nahel, tué par un policier le 27 juin dernier.
Plus d’un siècle après sa mort, si le monde a changé, les mots de Jean Jaurès retentissent encore. Devenu un des porte-voix de la lutte des classes, il sera haï de ses adversaires jusqu’à être relégué au rang de « traître de la nation », à en faire une cible politique et l’objet d’une propagande antinationaliste, notamment par des caricatures appelant à son assassinat, avec le résultat qu’on connaît.
À l’heure de tous les anathèmes contre la gauche, cette leçon ne doit pas être oubliée. Malgré les menaces, Jaurès n’abandonne pas les convictions pacifistes et va même, le jour de sa mort, se rendre au cabinet d’Abel Ferry, alors sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, alors que la « messe » de la guerre était déjà dite.
Rattrapé par son engagement, il est assassiné le soir même au Café du Croissant, alors que le journal n’a que dix ans, « ce grand journal qui, malgré tous les vents contraires et les tempêtes, perdure depuis 1904, depuis l’éditorial fondateur de Jean Jaurès », a conclu Fabien Gay.
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