Fracture sociale - Aube
Le nauséabond déchaînement politique réactionnaire du pouvoir, des droites extrémisées et de l’extrême droite qui se déploie depuis l’assassinat de Nahel par un policier et les émeutes urbaines qui s’en sont suivies nous éclaire sur la nature du pouvoir et les métamorphoses de la droite. Dans l’Aube la droite est synchro avec le discours ambiant. Le libéralisme et les discours clientélistes fracturent la société française.
Aucune offre de dialogue de la part du pouvoir, aucune remise en cause de la loi permettant aux policiers d’utiliser leur arme en cas de refus d’obtempérer, aucun projet nouveau pour les services publics et l’accès aux formations et au travail dans ces quartiers. Les seuls mots abondamment répétés ont été ceux de « retour à l’ordre ». Et leur grande trouvaille - pour faciliter sans doute la communication - est d’envisager de fermer les réseaux sociaux ou de supprimer les allocations familiales, voire même comme l’a fait un Maire adjoint de Troyes de « remettre en cause la politique de la ville » et faire l’amalgame entre « émeute, immigration, gens peu diplômés et famille monoparentale ». Tout un programme qui en dit long sur la politique que mène la municipalité de F. Baroin dans les quartiers populaires. (Voir encadré)
À l’opposé de ces déclarations irresponsables, Bernard Champagne, le Maire adjoint de La Chapelle St Luc en charge de la tranquillité publique, nous explique « l’importance qu’il y a pour une municipalité, face aux dégâts humains que produit cette société, de mettre des moyens humains dans les quartiers et de tisser du lien avec les associations. Il y a de plus en plus de problèmes liés aux conflits familiaux, à la pauvreté, à la perte de sens, de l’avenir, pour répondre à cela il faut des éducateurs spécialisés qui prennent le temps d’écouter au quotidien et qui gagnent la confiance des habitants du quartier. Nous avons également mis en place une véritable police municipale de proximité et huit médiateurs de proximité qui est un vrai métier dans l’accompagnement humain, que nous formons et auquel nous souhaitons donner un vrai statut professionnel.
Manquent les gardiens d’immeubles qui seraient un plus dans le maillon, mais nous nous heurtons toujours au refus des bailleurs sociaux. Tout cela représente un coût pour la ville, mais nous avons des résultats. Au moment des émeutes urbaines, notre commune a été touchée dans un seul quartier.
Le 1er soir, la police nationale n’est pas venue et ce sont les médiateurs et des jeunes du quartier, j’étais présent également avec d’autres élu-es, qui ont empêché l’incendie du commissariat par des personnes qui n’étaient pas de la commune. »
Cette situation n’est plus supportable !
Sur la sécurité, comme sur l’ensemble des politiques publiques, des millions d’habitantes et d’habitants, de jeunes, de salarié·es, sont abandonnés par la République et n’ont pas droit au respect, à la dignité, à la justice, à un logement décent, à une éducation, à la culture et aux loisirs, et un emploi de qualité. La crise des gilets jaunes en était déjà l’expression, elle avait été aussi matée dans la violence policière.
Cette situation n’est plus supportable ! Elle est le résultat de décennies de politiques néolibérales, au service du capital et au détriment des travailleuses et travailleurs du pays. Et ce n’est pas la politique de haine et de discrimination, que nous propose l’extrême droite qui pourrait améliorer la situation. Elle mènerait au chaos.
C’est pourquoi loin des déclarations clientélistes des uns et des autres qui attisent les rancoeurs, le PCF lui vient de lancer le débat avec sa proposition pour un plan de réconciliation nationale pour l’égalité républicaine.
Le discours de l’association des Maires de France que François Baroin a prononcé sur les marches de l’Hôtel de Ville devant les élu-es auboi-es, parlait beaucoup de République, mais en fait la politique qu’il mène à Troyes et singulièrement dans les quartiers populaires prend le contre-pied de ce que l’on entend par égalité républicaine. Et ce n’est pas nouveau !
Un éducateur spécialisé de la prévention jeunesse qui travaille dans les quartiers populaires de Troyes a bien voulu en parler à La Dépêche de l’Aube sous couvert d’anonymat.
« C’est incroyable, à Troyes on fait le contraire de ce qu’il faut faire. On vient de supprimer 3 postes et la présence physique des éducateurs spécialisés de la jeunesse dans les quartiers populaires. Le fait d’être sollicitable à tout moment, d’être à l’écoute du mal être profond des jeunes, de construire des projets où ils se sentent considérés, où ils entrevoient un avenir possible. Nous étions 8 éducateurs spécialisés jeunesse, aujourd’hui nous ne sommes désormais plus que 5 pour l’ensemble des quartiers troyens, plus un éducateur spécialisé chantiers éducatifs. Déjà en 2016, dans le cadre de l’appel d’offre, la ville de Troyes avait déjà réduit le champ d’action des éducateurs spécialisés jeunesse. Le maire adjoint à la sécurité, nous dit qu’il paie, alors il veut des résultats et des noms. Je lui répondrais que l’anonymat c’est un principe de base de notre métier, sinon personne ne se confie, personne ne vient à nous. La loi du marché a infesté le raisonnement des élu-es. Il se méprend totalement. Ce que nous faisons, c’est un travail au long cours avec des ado de 11 ans et des jeunes majeurs. On sème une graine en lien avec le droit commun. On ramène ces gamins dans le droit chemin, on les écoute. On déconstruit pour reconstruire en leur montrant qu’il y a un avenir possible pour eux. Déconstruire l’idée que les policiers ne sont pas tous pareils par exemple en les faisant se parler. Tout cela ne se fait pas en remplaçant les éducateurs spécialisés par des vigiles, ou en augmentant sa police municipale dans un esprit de répression, ou les caméras de surveillance ! C’est le contraire qui va se produire : plus les jeunes se sentent exclus, plus ils s’excluent. »
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