Les conclusions des travaux du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) démontrent d’année en année l’intensification du dérèglement climatique due aux activités humaines avec la croissance des émissions de gaz à effet de serre.
Le transport est responsable de 23 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, 26 % au niveau de l’Union européenne et 29 % en France, dont 90 % imputables au trafic routier.
La transformation de nos économies et de nos sociétés pour un monde décarboné est aujourd’hui un impératif. A ce titre, alors que 80 % des Français vivent en zone urbaine, les transports collectifs urbains constituent un moyen déterminant de la lutte contre le dérèglement climatique. La réduction du volume de circulation automobile passe aujourd’hui par l’amélioration des infrastructures et des services de transport public. Mais une nouvelle étape est nécessaire pour favoriser un report modal massif de la voiture vers le transport en commun, seul capable de répondre au défi climatique.
Les grandes agglomérations de par leur compétence d’autorité organisatrice des transports ont un rôle majeur à jouer. En ce domaine il y a celles qui prennent la mesure des enjeux et les autres !
Expérimentée dans un certain nombre de villes et de zones urbaines en France mais aussi dans le monde, la gratuité des transports publics est un élément essentiel des politiques sociales et environnementales.
À Clermont-Ferrand, sa mise en place le week-end est un succès avec une hausse de 36 % de la fréquentation, et notamment par les familles populaires.
Par Cyril Cineux, Adjoint PCF au maire de Clermont-Ferrand chargé des transports, de la circulation et du stationnement.
La gratuité des transports urbains est la clé sociale, écologique, urbaine pour révolutionner nos mobilités. Permettre l’accès à toutes et tous à l’ensemble de la ville quels que soient ses revenus, assurer à chacune et chacun le droit fondamental de se déplacer, répondre à l’angoisse de la fin du mois et à celle de la fin du monde, la gratuité des transports répond à de nombreux enjeux de notre époque.
Elle donne du pouvoir d’achat aux familles, mais elle permet aussi à celles et ceux qui ne demandent pas la tarification sociale, aux 30 % de gens qui renoncent aux prestations de solidarité auxquelles ils ont droit, de pouvoir emprunter les transports en commun sans démarche et sans stigmatisation.
Ce sont d’ailleurs les familles populaires qui sont les premières nouvelles utilisatrices du transport gratuit, comme le constatent les chauffeurs de bus. À Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), la mise en place, en décembre 2021, de la gratuité des transports le week-end est un succès avec une hausse de 36 % de la fréquentation.
À rebours de ceux qui arguent que ce qui est gratuit n’a pas de valeur, un chauffeur de bus clermontois estime, pour sa part, que la gratuité ajoute de la valeur au transport en commun en le rendant accessible à toutes et tous.
Avoir un réseau de transport efficace, pertinent et gratuit, c’est se donner les moyens de limiter la place de la voiture sans diminuer les possibilités de se déplacer ; c’est aussi gagner de l’espace pour développer nos villes autrement : avec plus de place pour les piétons en élargissant les trottoirs, pour les cyclistes en développant des pistes cyclables sécurisées, pour de nouvelles places végétalisées.
Le transport gratuit change la vie, ici et maintenant. C’est le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses comme le dit Karl Marx. Le transport gratuit place l’humain et la planète d’abord.
La création de richesses doit répondre aux besoins humains, aux défis environnementaux. La gratuité est l’avenir du transport urbain et l’avenir de nos villes.
Pour réussir une véritable révolution des mobilités, il faut de l’audace. L’équipe que j’ai l’honneur d’animer à Montpellier est en train, par la force et le courage de ses décisions, d’écrire une magnifique page de l’action publique locale.
Par Michaël Delafosse, Maire PS de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole. Article publié le 7 juin dans l’humanité.
Inspirés par des exemples étrangers (Tallinn en Estonie) et français (Dunkerque), nous avons porté avec conviction, souvent contre vents et marées, l’idée de la gratuité des transports durant la dernière campagne municipale. Alors que nous sommes aux responsabilités depuis près de mille jours, nous sommes en passe de concrétiser, selon le calendrier annoncé, cette belle idée.
Le 21 décembre 2023, les transports en commun deviendront ainsi gratuits pour tous les habitants de la Métropole de Montpellier. Par cette mesure emblématique, unique en Europe pour une aire urbaine de cette taille, nous voulons être au rendez-vous des défis de notre siècle, ceux de l’urgence sociale et écologique auxquels notre rapport actuel aux mobilités ne répond plus.
La gratuité représente une opportunité unique pour nos collectivités de concilier l’exigence environnementale et l’enjeu du pouvoir d’achat. Notre volontarisme est une arme. Le XIXe siècle est, dans l’histoire du service public français, le siècle de l’école et de la gratuité de l’enseignement. Le XXe siècle est celui de la Sécurité sociale et de l’accès aux soins. De plus en plus de collectivités l’affirment : le XXIe siècle sera celui des mobilités et de la gratuité des transports en commun.
Celui de l’émergence d’un nouveau droit : pouvoir se déplacer sans payer. Non par dogmatisme ou qu’il faille à chaque siècle sa gratuité, mais parce que les mobilités interrogent les fondements même de notre pacte républicain. La liberté et l’égalité, bien sûr, quand le coût des déplacements (prix de l’essence) comme l’isolement de certains territoires fracturent notre pays. La fraternité aussi, car quoi de mieux que les transports en commun, dans lesquels nous sommes ensemble, pour réapprendre à vivre dans le respect et la solidarité ?
Autour de la gratuité, c’est tout un système de mobilité qui se met en marche pour offrir une alternative à la voiture individuelle. Pour donner à nos enfants une meilleure qualité de l’air et l’espoir que nous pouvons stopper le réchauffement climatique et envisager à nouveau un avenir radieux pour notre planète. (...)
Troyes Champagne Métropole
Ce sont les exécutifs des collectivités élus en 2020 qui ont la responsabilité d’engager les mesures fortes qui doivent permettre aux intercommunalités de prendre toute leur part dans la nécessaire transition écologique de notre société.
Par Jean Pierre Cornevin, Conseiller Communautaire
Troyes Champagne Métropole possède toutes les compétences en la matière. Malheureusement le Président de TCM, François Baroin et les élu-es de son exécutif ne changent pas de braquet et aucune mesure budgétaire significative n’est prise. Nous sommes à mi-mandat et nous pouvons malheureusement dire que cela risque de durer jusqu’à la fin de ce mandat. Comme pour le développement des pistes cyclables, nous sommes en train de prendre vingt ans de retard pour le développement et la mise en accès libre des transports collectifs. Je ne leur ferai pas l’outrage de dire qu’ils n’ont pas pris conscience des enjeux écologiques et sociaux qui sont devant nous. Je pense qu’ils sont pour certains engoncés dans un schéma idéologique qui leur bande les yeux. Je peux comprendre que, pour quelqu’un comme François Baroin qui ne veut même pas entendre parler de la prise en compte du quotient familial pour la restauration scolaire dans sa ville, qui pourtant compte 25% de familles sous le seuil de pauvreté, il soit inconcevable de penser des transports collectifs en accès libre. Difficile pour autant d’ignorer ce qui marche ailleurs. Nombre d’intercommunalités de notre taille ont expérimenté la mise en accès libre du bus et n’imaginent pas revenir en arrière.
Manque d’audace totale
Cela va bien entendu de pair avec un développement du réseau de bus et des autres modes de transport alternatifs à la voiture. Dès lors on peut commencer à repenser la ville avec l’espace nécessaire au développement du réseau cyclable, l’élargissement des trottoirs et le verdissement des rues. Mais c’est bien le bus en accès libre qui, dès le départ, est le moteur nécessaire au développement des autres mobilités. L’expérience pourtant décrite comme positive de la mise en accès libre le dimanche, sans quasiment aucune incidence budgétaire n’a même pas été étendue au week-end complet, c’est dire le manque d’audace total des décideurs politiques de TCM.
Pourtant beaucoup d’arguments pèsent en faveur de cette mesure pour notre agglomération. Récemment un rapport de la Chambre régionale des comptes mettait en avant que les recettes de billetterie de service régulier n’étaient plus que de 2,5 millions € soit à peine plus de 10% du budget total de la TCAT. Et l’on sait que lorsque les recettes de billetterie ne dépassent pas 20% du budget global, la mise en accès libre du bus est largement absorbable par le budget de l’opérateur de transport. Au-delà de prendre notre part dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, cette mesure redonnerait donc immédiatement 2.5 millions € de pouvoir de vivre aux usagers des transports collectifs et redynamiserait dans le cadre d’une nouvelle mobilité notre coeur de ville.
Politique Transport-Aube
Par Bruno Charrier, Syndicaliste cheminot, Militant communiste
La catastrophe est déjà annoncée depuis 2006, ou le Fret a dû faire face à l’arrivée d’opérateurs privés avec les fameuses promesses de baisse des coûts et d’augmentation du trafic. En réalité il n’en n’est rien c’est même plutôt le contraire : dans les années 70 la part modale du Fret était de 25%, en 2021 elle dégringole à 10%. Nous sommes bien loin de l’essor promis. Au lieu de reconnaître cet échec cuisant, l’État et la direction SNCF se sont enfoncés toujours plus en actant en 2018 la filialisation, transformant FRET SNCF en SAS. Ce scandale a été dénoncé par les syndicats et les politiques de gauche à l’époque puisque cette filialisation permettait la liquidation de la SAS et l’abandon du trafic au profit du privé. Evidemment à ce moment-là, les dirigeants SNCF ont assuré que jamais il ne serait question de cela. 5 ans plus tard patatras.
Un accord a donc été trouvé entre le gouvernement et la commission européenne, puisque le gouvernement se cache toujours derrière l’UE pour faire des choix toujours plus libéraux, cet accord comprend :
- Liquidation de la SAS Fret
- Abandon de 30%des trafics au profit d’opérateurs privés - Supression de 10% des effectifs.
- Création de 2 filiales de droits privés qui ne feront pas partie du périmètre du groupe public unifié, avec ouverture de leur capital.
- Cession de 53 locomotives aux opérateurs privés.
- Interdiction pendant 10 ans de se repositionner sur les trafics cédés.
Toutes ces mesures seront mises en place en janvier 2024.
Evidemment tout cela a lieu avec comme seule motivation le profit en dépit du bon sens, des usagers et de l’environnement. En effet chaque train de fret supprimé est remplacé par des milliers de camions sur nos routes. Alors que l’enjeu écologique est de plus en plus au centre des préoccupations, en particulier des nouvelles générations et que l’éco-anxiété devient le mal du siècle, le gouvernement fait encore le mauvais choix. Le camion représente à lui seul plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre, dans ce contexte développer un service public du fret fort est un acte à la fois politique, social mais aussi écologique.
Dans l’Aube nous subissons déjà depuis des années les politiques libérales enclenchées par le gouvernement et se répercutant sur la SNCF. C’est le cas notamment avec la fermeture de l’ancien technicentre de Romilly, nous devrons désormais subir l’afflux de camions sur nos routes déjà bien chargées en trafic.
Fort heureusement, partout dans le pays la mobilisation se déploie, un grand rassemblement a d’ailleurs eu lieu à Saint Denis devant le siège SNCF le 15 juin pour protester contre ces énièmes décisions mortifères. Le combat est évidemment aussi politique : les députés communistes ont d’ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire. Le Fret n’est pas l’affaire de quelques-uns en haut lieu, c’est un enjeu national !
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