Réforme des retraites
Rarement une décision du Conseil constitutionnel a suscité autant d’attente. En pleine crise politique autour de la réforme des retraites et alors que le mouvement social pour exiger son retrait se poursuit, les sages décideront de l’avenir du texte, le 14 avril.
Est-il normal, en démocratie, que les citoyens doivent en appeler au Conseil constitutionnel pour que leur avis majoritaire soit enfin entendu ? Ses membres ont pour fonction de vérifier la conformité d’un texte à la Loi fondamentale, pas de dénouer les crises sociales et politiques de la nation. C’est pourtant vers eux, dont le conservatisme des vues n’est plus à démontrer, que se tourne aujourd’hui l’espoir de tout un peuple.
Sauront-ils être sensibles à la raison qui semble avoir déserté les bancs des ministres, et prendre la décision que la sagesse impose en censurant la réforme des retraites ? Tout les y incite, à commencer par le choix du gouvernement de passer par une loi de financement de la Sécurité sociale pour user du 49.3 sur les textes budgétaires. La Constitution a ainsi été détournée pour satisfaire la volonté de passage en force de l’exécutif. Une censure rétablirait le Parlement dans sa dignité, à défaut de le rétablir dans ses droits.
Mais l’enjeu dépasse la lettre de la Constitution, même si son respect est le minimum à attendre d’un gouvernement dans un État de droit. Or, on le sait, il y a différentes façons de juger des problèmes de constitutionnalité. Selon qu’on adopte un juridisme étroit, ou qu’on envisage la réforme des retraites dans toute son ampleur à l’aune des principes constitutionnels, la décision ne sera pas la même. Entre les deux, il y a toute la latitude du regard politique des juges sur la réforme, quoiqu’ils s’en défendent, et du sens de leur responsabilité dans ce moment historique : simple point de droit, ou problème de société qui questionne notre démocratie ?
Dans une autre vie, l’actuel président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, étrillait le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. C’était en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. À l’époque, l’ancien premier ministre observait : « En démocratie, il y a une procédure extrêmement simple : c’est de consulter les Français. » On ne voit pas pourquoi ce qu’il estimait juste alors ne le serait plus à ses yeux aujourd’hui.
Les syndicats ont annoncé « l’échec » de leur rencontre avec Elisabeth Borne mercredi 5 avril et refusé de « tourner la page » de la mobilisation.
Au terme de près d’une heure de discussions à Matignon, l’intersyndicale a déploré « l’échec » de sa rencontre avec Elisabeth Borne, qui a, sans surprise, refusé de revenir sur le projet de réforme des retraites. Les organisations ont réclamé de concert son « retrait » et ont appelé un « maximum de travailleurs et de citoyens » à participer aux manifestations prévues le jeudi 6 avril.
Présente pour la première fois pour une séquence institutionnelle au sein de l’intersyndicale, la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a qualifié la réunion d’« inutile » depuis la cour de Matignon. « Notre présence ici, elle, prouve notre sens des responsabilités et du dialogue. Nous avons trouvé face à nous un gouvernement radicalisé, obtus et déconnecté », a-t-elle précisé, avant de déplorer une « stratégie jusqu’au boutiste, violente et irresponsable. Le gouvernement porte la responsabilité du désordre. »
De leur coté, dans un courrier remis à L’Elysée mardi 4 avril, les parlementaires communistes ont lancé un appel solennel au Président de la République :
« Face à une mobilisation formidable du peuple et à l’opposition parlementaire, E. Macron et son gouvernement ont réagi par l’autoritarisme. Sans concertation, en refusant tout dialogue sur des propositions de bon sens, fondées, l’exécutif a présenté au Parlement, dans le cadre contraint de l’article 47-1 de la Constitution, son projet de loi. Ce texte n’a jamais été voté à l’Assemblée nationale.
C’est le 49-3 qui a permis au gouvernement d’arracher un assentiment biaisé, à 9 voix près. Au Sénat, tous les artifices de procédures ont été utilisés pour obtenir un vote tronqué par la violation des prérogatives des parlementaires : liberté de parole et droit d’amendement. Notre pays est donc confronté à un coup de force démocratique pour imposer cette réforme au peuple. […] M. le Président, retirez votre projet de recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. »
© 2024 - La Dépêche de l’Aube
Création : Agence MNKY