Retraites, énergie et pouvoir d’achat
PROPOS RECUEILLIS PAR JP.CORNEVIN
Avant sa venue au banquet de La Dépêche de l’Aube le 12 mars prochain, Fabien Gay, Sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et Directeur de L’Humanité a bien voulu répondre à quelques questions de notre hebdomadaire au sujet de l’actualité sociale et politique.
La Dépêche de l’Aube : Fabien, un mot d’abord sur la réforme des retraites dont le débat arrive maintenant au Sénat ; en commission le 28 février, puis dans l’hémicycle à partir du 2 mars. Dans quel état d’esprit est le groupe communiste avant ce rendez-vous très important ?
Cette réforme et cette bataille posent la question fondamentale de la société dans laquelle nous voulons vivre. Avec le mouvement social rassemblé et les forces de gauche unies, nous refusons l’idée de travailler plus et encore plus mal surtout quand les écarts de richesse s’accentuent. Ce projet est d’une brutalité sans nom. Il va aggraver la souffrance et l’usure pour les métiers les plus précaires. La mobilisation unitaire est exemplaire. Elle implique une grande diversité de salariés et beaucoup de nouveaux manifestants. Les sous-préfectures, les bassins d’emploi de petite industrie comme ici dans l’Aube viennent amplifier un mouvement inédit depuis 1995.
Le groupe communiste au Sénat sera le relais de cet élan populaire pour faire reculer le gouvernement avec détermination et responsabilité. Après le coup de force imposé par le gouvernement à l’Assemblée qui a refusé tout réel débat et amendement, nous serons constructifs sur le fond et prompts à dénoncer les mensonges sur de prétendus progrès sociaux de cette réforme.
LDA : L’autre préoccupation de nos concitoyen-nes est la question du pouvoir d’achat. L’augmentation du coût de l’énergie et singulièrement celui de l’électricité a un impact considérable sur notre niveau de vie. Beaucoup de famille ne peuvent plus se chauffer. Tu interviens souvent au Sénat sur cette problématique. Quelles sont les solutions ?
Le marché européen de l’énergie et l’Arenh* constituent un système injuste et absurde. Le premier est basé sur l’énergie la plus volatile sur le marché, le gaz, qui est a fortiori une énergie fossile. Le second affaiblit notre indépendance et l’originalité de notre production énergétique. C’est EDF et les usagers qui paient l’addition. Les opérateurs dits alternatifs se gavent ainsi sur une énergie nucléaire à bas coûts, presque neutre en carbone, pour spéculer et la revendre jusqu’à dix fois plus cher ! On marche sur la tête.
Le coût de l’énergie impacte tous les secteurs notamment ceux qui nécessitent une utilisation intensive de l’énergie pour la production. Cela impacte notamment les prix alimentaires, pénalisant les plus modestes. Il faut revenir à un secteur public nationalisé avec des tarifs réglementés. Cette orientation doit permettre de bâtir un mix énergétique, seul à même de sortir des énergies fossiles. Pour le climat, pour la justice sociale, il faut reconstruire une vraie filière industrielle et souveraine. Impliquer les salariés du secteur, au savoir-faire inestimable, est une des conditions de cette reprise en main.
LDA : À Troyes, nous avons F. Baroin qui demande au gouvernement le retour des tarifs réglementés pour les collectivités territoriales. Il était ministre de l’économie au moment du vote de la loi Nome. On voit aujourd’hui le résultat de ces choix politiques. Sans doute faut-il rappeler la responsabilité de la droite dans les difficultés que nous traversons ?
Je me félicite que de nombreux élus de droite reconnaissent leurs erreurs. Ils voient localement les dégâts causés par l’application de leur programme et des directives libérales européennes. Ce que les usagers paient aujourd’hui, ce n’est pas le prix de la guerre en Ukraine mais le coût de 20 ans d’Europe à la sauce libérale.
Certains appellent à un retour des tarifs réglementés pour les collectivités territoriales voire pour certains secteurs économiques comme les boulangers. Notre proposition au Sénat pour réinstaurer ces tarifs a pourtant été refusée par cette même droite sénatoriale au motif qu’il fallait respecter les sacro-saints traités libéraux européens et que cela coûterait trop cher ! La belle affaire : il faut donc laisser les collectivités sacrifier des activités dans leurs projets locaux.
Comme pour le projet de « réétatisation d’EDF », les libéraux se prétendent être les grands défenseurs du service public. Il s’agit en réalité de socialiser les pertes, privatiser les profits et préparer de futures dérégulations.
*Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique : dispositif qui, depuis la loi NOME, a fait voler en éclat le monopôle d’EDF et l’oblige à vendre une partie de l’électricité nucléaire à faibles prix à ses propres concurrents.
© 2024 - La Dépêche de l’Aube
Création : Agence MNKY