Économie Sociale et Solidaire - Aube
Dans une tribune consacrée à l’économie sociale et solidaire (ESS), Jean Philippe Milésy, journaliste, militant de l’ESS qui était l’invité cette semaine de l’UPOP Aube en collaboration avec la mutuelle Aubéane, expliquait que « à chaque fois que le capitalisme se trouve confronté à une crise, à une menace, il invente de nouvelles théories de l’entreprise afin de regagner la confiance des publics qui constatent au jour le jour l’étendue de ses prédations. »
Méfiance donc, tout comme les entreprises capitalistes ont capté la question environnementale avec ce que l’on nomme le « greenwashing ou écoblanchiment » dans le but de se donner une image écologique trompeuse et souvent même pour en faire du business, le lobbying libéral tente également de capter l’image de l’ESS.
L’ESS reste une idée neuve et concrète.
À ce sujet Jean Philippe Milésy est très clair : « il n’y a pas, comme on l’entend trop souvent, pollinisation du capitalisme par l’ESS, mais plutôt vampirisation de celle-ci par les libéraux, cherchant des postures dans une ESS qu’ils rejettent par principe et discriminent souvent dans leurs pratiques. »
Fondée au 19ème siècle par des femmes et des hommes engagés dans le mouvement social et aspirant à l’émancipation face au libéralisme du temps, l’ESS est un modèle économique, un « entreprendre autrement ». Elle a pour fondement la propriété collective et l’égalité, la libre adhésion et la solidarité, responsabilité et la gestion démocratique selon la règle « une personne, une voix », la non- lucrativité ou la lucrativité statutairement limitée.
Le philosophe Communiste, Lucien Sève, définit l’ESS, comme un « futur présent », c’est-à-dire une préfiguration de la société transformée et pour laquelle s’engage de nombreux jeunes, aspirant à une société plus solidaire, à une autre répartition des richesses et à des réponses concrètes aux menaces environnementales.
Jean Lefèvre : Jean Philippe Milésy, après quarante ans d’engagementscoopératifs, mutualistes et associatifs vous êtes regardez comme un grand spécialiste de l’Économie social et solidaire. Comment regardez-vous un événement comme le Mois de l’ESS ?
Jean Philippe Milésy : Ce Mois à travers ses milliers de manifestation dans tout notre pays montre ce que je pourrais appeler « la force tranquille » de l’ESS. Au-delà des 10% du PIB, 14% de l’emploi privé, l’ESS implique dans leur vie quotidienne des millions de femmes et d’hommes, de la crèche familiale au guichet de la banque coopérative, du dispensaire mutualiste au club de sport, et tant d’autres activités. Un jour sans ESS ressemblerait dans notre pays à un scénario catastrophe.
J.L. : Et pourtant l’ESS demeure méconnue, son poids dans les politiques publiques a du mal à apparaître.
J.P.M : Beaucoup disent que l’ESS ne sait pas communiquer mais ce n’est pas qu’une question de communication. J’ai parlé de force tranquille, peut-être est-elle trop tranquille. Sans doute sous la prégnance libérale sur la société, beaucoup de dirigeants, de bénévoles de l’ESS sont à la fois convaincus de leur utilité sociale, du sens de leur action, mais ils sont je crois aussi convaincus d’une certaine marginalité de celle-ci, coincé qu’elle serait entre l’État et le Marché.
Mais des voix éminentes refusent cet état de chose et Jérôme Saddier, président d’ESS-France qui coordonne le Mois, n’hésite pas à proclamer que l’ESS peut et doit devenir la norme de l’économie de demain. C’est le sens de sa proposition de République de l’ESS à laquelle j’adhère bien évidemment.
J.L. : Vous avez durant votre conférence relevé de nombreuses initiatives ESS allant dans le sens d’une profonde transformation sociale.
J.P.M : Avec le démantèlement de la démocratie sociale que l’on retrouvait dans le programme du CNR, le recul de nombreuses interventions publiques correspondant à la mise de l’État au service du capitalisme financier, les urgences sociales sont nombreuses et c’est très souvent à des structures de l’ESS d’y répondre. Qu’il s’agisse des femmes, des migrants, qu’il s’agisse de la lutte contre les inégalités de santé, des combats environnementaux, de l’agriculture biologique, ce sont des associations, des coopératives, des mutuelles qui prennent en charge l’intervention citoyenne malgré la baisse des financements publics.
Les Sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, associant l’ensemble des parties prenantes, salariés, usagers, collectivités publiques, à des projets à forte utilité sociale, à forte implication territoriale connaissent un fort développement et constituent une préfiguration de la société plus sociale, plus solidaire, plus écologique mais surtout plus démocratique à laquelle nous aspirons.
Cette journée est l'occasion de s'inspirer d'initiatives locales et de découvrir comment les projets solidaires et durables dynamisent notre territoire à travers des témoignages et des ateliers pour partager nos expériences et imaginer les solutions de demain.
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