Alain Aspect a rejoint Pierre et Marie Curie et, plus près de nous, Claude Cohen-Tannoudji, dans le cénacle des lauréats français du Nobel de physique. En donnant tort à Einstein ! il a prouvé par l’expérience la réalité de l’« intrication quantique » : un « jumelage », pourrait-on dire très approximativement, de particules qu’Einstein jugeait impossible, voire farfelu.
Dans les cercles scientifiques, on entend souvent que les équations n’ont pas de morale et ne font pas de politique. C’est un sophisme. Les hommes et femmes de sciences doivent avoir de l’une et se préoccuper de l’autre. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », a écrit Rabelais. Et sans politique, ruine de l’Homme.
Les coupes budgétaires mettent de plus en plus les sciences sous la tutelle de « donateurs », qui n’ont d’intérêt pour la recherche que de résoudre l’équation de la plus grosse et plus rapide « marge nette ». J’ai en outre été sidéré d’apprendre que la recherche était astreinte au critère de « productivité scientifique », que la France s’était fait damer le pion en 2020 par l’Italie et était en passe d’être exclue du top 10 - un hit-parade de la matière grise ! - Sans surprise de ce côté, j’ai lu que le Crédit d’Impôt recherche (CIR), créé sous Mitterrand, n’était « pas déterminant à lui seul pour décider une entreprise à consacrer des ressources à des activités de recherche ». Euphémisme pince-sans-rire donnant à penser que l’argent public a servi à tout autre chose.
Alain Aspect aurait pu prendre la grosse tête. Il l’a bien faite et a saisi l’occasion pour jeter quelques pavés dans la mare. Je n’adhère pas au scientisme (terme créé par Romain Rolland) à la Jules Verne, ni à l’homme naturellement bon de Rousseau. La science peut nous donner le meilleur. L’homme en faire le pire.
« Le blocage, ce n’est pas une façon de négocier » a dit Macron. Permutez « blocage » et « grève » et vous avez l’exacte conception du progrès social du personnage. Macron aime négocier avec ceux qui sont de son bord. C’est plus simple. Son CNR d’opérette en est le dernier avatar. Modus operandi bien rôdé, on prend les consommateurs et les usagers à témoin : ce n’est pas la faute à Voltaire, ni à Rousseau, ni à TotalEnergies qui remplit les bidons de ses actionnaires avec un « acompte » de 2,6 milliards. C’est la faute à Martinez.
Quand les salarié.e.s font grève, ce n’est jamais de la faute des patrons qui les font travailler au moindre coût possible et leur préparent une retraite au pain sec. Voilà qui donne son sens au mot « conquis » d’Ambroise Croizat. Les avancées sociales n’ont jamais été conquises d’une autre façon. Le « blocage » est l’éruption de la colère de ceux qui voient leur passer sous le nez les milliards qui sont le fruit de leur travail.
La lutte des classes est un rapport de forces. Le patronat le sait et jamais il ne cède un kopeck sans être acculé le dos au mur. Qu’on se souvienne de 1936 ou de 1968. Il y a aujourd’hui en France des millions de gens en souffrance, à cause de quelques rats gloutons qui mangeraient les trous du fromage si cela était possible.
Débloquez, on discutera : on connaît la chanson. Alors faisons-les danser sur un autre air : discutez, on débloquera. Que recommencent les conquêtes sociales !
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