Technicentre de Romilly-sur-Seine
C’est la fin d’un marathon judiciaire pour près de 70 cheminots de la SNCF, embauchés au technicentre de Romilly-sur-Seine. Mercredi 14 septembre, la cour d’appel d’Amiens a mis un terme à 5 ans de procédure et condamné l’opérateur public ferroviaire à plus d’un million d’euros de dommages et intérêts.
La justice a, enfin, reconnu le préjudice d’anxiété des agents, exposés à l’amiante durant des années, sans protection adaptée. Identifié par l’entreprise depuis la fin des années 1990, le « risque amiante » exige des conditions de sécurité particulières et oblige à la fourniture d’équipements de protection individuels. Pourtant, il aura fallu attendre 2014 pour que la SNCF se conforme aux normes applicables aux activités de désamiantage dans son technicentre aubois.
Pendant des années, les agents de Romilly ont donc inhalé des poussières de fibre d’amiante, pensant qu’ils étaient protégés. Une tromperie, que la cour d’appel d’Amiens retient comme un élément à charge contre la SNCF. Classée en 2 catégories, l’exposition à l’amiante d’un salarié relève soit de « l’intervention », soit du « retrait ». L’activité de retrait bien plus exposée nécessite la mise en application de normes de sécurité très strictes.
Or, alors, qu’au technicentre de Romilly, les cheminots chargés de la maintenance des trains ont eu à effectuer des opérations de désamiantage, le site a été (sous-) classé par l’entreprise, jusqu’en 2014, dans la catégorie « intervention ». Pour la cour d’appel, ce « comportement de la SNCF, qui a délibérément tardé a mettre ses installations en conformité avec le régime du retrait dont elle ne pouvait ignorer qu’il lui était applicable, est de nature à majorer les troubles psychologiques (des) salarié(s) en ajoutant à l’anxiété une dimension de ressentiment envers l’employeur et le regret de n’avoir pu utiliser son droit de retrait », stipule l’arrêt noir sur blanc.
C’est « exactement cette reconnaissance que nous attendions », se félicite Bruno Charrier, cheminot au technicentre de Romilly, élu CGT au CHSCT. « Beaucoup des collègues exposés - dont l’immense majorité est encore en activité - racontent un quotidien difficile, l’angoisse quand ils doivent se rendre à leur visite médicale de contrôle ou quand ils deviennent père, grand père, et qu’ils se demandent s’ils auront le temps de voir grandir les petits », confie le syndicaliste, qui a coordonné l’action de groupe. Aujourd’hui, poursuit-il, « plus personne ne peut ignorer les dangers de l’amiante, on sait tout ce que ça implique pour la santé ». Et l’indemnisation ordonnée par la justice, de 10 000 à 15 000 euros par agent, « semble bien dérisoire » ajoute Bruno Charrier.
Cette condamnation permettra-t-elle à d’autres salariés d’avoir le courage de se battre pour que leurs souffrances soient reconnues ? Bruno Charrier l’espère : « À la SNCF, il y a des tas d’autres Romilly. De l’amiante, il y en a partout ». Une victoire qui en appelle plein d’autres !
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