Dans la Bourse du travail s’affairent des artistes peintres d’un genre un peu particulier. Ils se sont acharnés pendant une quinzaine de jours à reproduire sur le mur sud-est une fresque de l’artiste Jean-Jacques Jolinon, fresquiste renommé. Ces peintres amateurs (et donc qui aiment et cultivent lueur art) sont les Passeurs de fresques.
Ils m’ont demandé l’autre jour mon avis sur un point dérisoire du dessin ; doit-on placer le pouce de la main droite de l’accordéoniste sur le clavier ou bien dessous. Car un accordéoniste trône au milieu de la fresque, rappelant qu’en ce lieu, autrefois on donnait force bals populaires dont l’accordéon était la coqueluche.
Ma réponse fut que le pouce sous le clavier aurait été plus classique car les apprentis accordéonistes jouent ainsi. Mais lorsqu’ils prennent leur envol, ils libèrent leur pouce. On peut donc le dessiner sur le clavier. C’est ce que préconisent les techniques modernes. Un pouce libre c’est un doigt qui peut être utile et permettre une plus grande virtuosité. Alors le pouce, où l’a-t-il mis, Jolinon ? Dessus ! Moderne quoi ! Virtuose ! Comme sa fresque. Mon pronostic ne donna pas un énorme coup de pouce à la lecture de la fresque qui couvre, elle, des décennies de riches activités multiples.
Elle représente tout ce que la Bourse du travail a connu, les syndicats, les assos, les matchs de boxe, les expos, les bals musette et même une Bourse du travail, ce qui signifie un bureau de placement des ouvriers, assuré par les syndicats. C’était il y a bien longtemps, à l’époque où l’on permettait aux ouvriers de gérer les choses comme d’administrer la sécu.
Le plus triste de cette mémoire perdue c’est que nos assos mémorielles (1) ont dû se battre pour en conserver le souvenir. Qu’on se rassure, toute oeuvre d’art est révolutionnaire.
(1) Bourse du Travail, mémoire vivante et Passeurs de fresque.
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