Du même tonneau linguistique que les « vacances apprenantes », « les maths expertes » proposées en spécialité de terminale ont réussi à aggraver l'inégalité fille/garçon en maths au lycée et à anéantir brutalement plus de vingt-cinq ans d'efforts dans ce sens. Les filles étaient 48,4% en filière S avant la réforme Blanquer, elles ne sont plus que 38,6% deux ans après. C'est ce que des sociétés savantes et des associations de professeurs de mathématiques viennent de dénoncer dans un communiqué du 25 janvier. Pourquoi cette brusque chute ?
Le terme même d' « expertes » évoque une très grande compétence acquise, alors que le parcours au lycée n'est qu'apprentissage des connaissances; c'est donc dissuasif, sauf si l'on a des parents qui connaissent le système, ne s'arrêtent pas à la dénomination, et savent que la plupart des métiers d'avenir, et surtout bien rémunérés, passent par des études scientifiques. Par ailleurs, les experts que l'on invite dans les médias sont essentiellement des hommes, donc les filles, en particulier dans les classes populaires mais pas seulement, peuvent être influencées par le stéréotype de l'homme plus intelligent par nature, penser que cela ne leur conviendra pas et qu'elles perdront leur temps.
Actuellement deux tiers d'étudiants en médecine et en pharmacie sont des femmes, et un tiers seulement parmi les étudiants ingénieurs. Ainsi, ce qui a été lent à se mettre en place, la féminisation des métiers longtemps réservés aux hommes, risque de repartir en sens inverse à toute vitesse. On peut donc penser que cette réforme du lycée répond, finalement, à la droitisation de la société française qui prétend rendre à l'homme sa place et ses privilèges, et contribuera à éloigner les enfants des classes populaires des métiers scientifiques. Comme le dit un professeur de maths du lycée Herriot, « espérons que la société future n'aura pas besoin de compétences en mathématiques... »
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