Trois questions à Laura Bouteiller salariée de la centrale nucléaire de Nogent S/Seine, élue CGT au Comité social et économique.
Question : Nos lecteurs aimeraient comprendre pourquoi le prix de l’électricité augmente ?
Réponse : Depuis le crack pétrolier des années 70, et l’envolée des prix de l’énergie, la France a fait le choix de produire son électricité à partir du nucléaire. Cela nous garantit une autonomie énergétique et nous rend indépendant du prix des matières fossiles. Mais depuis la libéralisation du marché de l’énergie les prix de l’électricité sont indexés aux énergies dites alternatives (éolien et solaire) ce qui fait exploser les prix de l’électricité sur les marchés.
Le prix de l’énergie sur les marchés est proche aujourd’hui de 300 € le MWh pour un prix de fabrication estimé à 50 €.
Q : Le projet de loi gouvernemental obligeant EDF à rétrocéder 40% de sa production nucléaire à ses concurrents va-t-il faire baisser le prix de l’électricité ?
R : Aujourd’hui, avec son projet de loi obligeant EDF à rétrocéder 15% de plus à ses concurrents (au final 40% de sa production nucléaire), le gouvernement fait le choix d’offrir à quelques entreprises (souvent privées) une énergie à bas prix fabriquée par les centrales d’EDF et donc payée par les Français. Cette opération va coûter plus de 8 milliards à EDF !
Évidemment non la facture ne va pas baisser ! Comment penser une seule seconde, qu’en ruinant le principal fabricant d’électricité française, les prix vont baisser ? Qui va devoir payer la facture à la fin ? EDF étant détenu en majorité par l’Etat Français, ce sont les Français qui vont payer le manque à gagner d’EDF. De plus, les villes, les communautés voire les ministères, n’ont plus accès au tarif réglementé d’EDF et vont donc devoir payer l’énergie trois fois plus en 2022. Qui va payer ? Nous, via nos impôts !
Le gouvernement devrait considérer que l’énergie est un bien de première nécessité et devrait faire passer la TVA de 20% à 5%.
Q : Le risque n’existe-t-il pas qu’à brève échéance, EDF soit forcée de vendre des actifs pour combler le trou ? Et que soit remise sur la table l’idée d’une privatisation – au moins partielle – de l’entreprise publique de l’énergie ?
R : Les agents à travers des mobilisations intersyndicales ont fait reculer par deux fois le projet dit « Hercule » ou renommé « grand EDF » qui visait à démembrer EDF avec les risques d'un investissement de l'Etat dans une société publique de production de l'énergie et la commercialisation et les profits aux entreprises privées. Le gouvernement clairement mis en échec par les salariés, souhaite toujours mettre le dogme de la privatisation en place.
Cependant il existe une solution, la France est le pays où l’électricité est la moins chère d’Europe à fabriquer grâce à ses centrales nucléaires. C’est la privatisation du marché de l’énergie qui est à l’origine de cette flambée des prix. Les seuls moyens de faire chuter les prix de l’énergie sont de renationaliser EDF et surtout sortir du marché boursier de l’électricité.
Il y a d’ailleurs une pétition en ligne portée par le CSEC d’EDF que l’on peut retrouver sur : https://energie-publique.fr
Par Wortegem
Dans l'aube, tant en zones urbaines que rurales, des foyers sont victimes de précarité énergétique. Qui sont-ils ?
D’après l’observatoire régional des précarités énergétiques ce sont 21% des foyers aubois touchés dont 62% de personnes seules, 37% de femmes seules, 46 % de plus de 60 ans.
On note une forte augmentation de profils retraités, intérimaires, auto-entrepreneurs. Beaucoup de foyers touchés sont en logements sociaux où la facture électrique de chauffage explose depuis ces derniers temps, mais la campagne n'est pas à l'abri, où remplir la cuve à fuel devient très difficile. Le syndicat départemental de l’énergie de l'Aube dénombre 100 000 logements énergivores (classement F et G sur l’étiquette énergie).
Une troyenne de 66 ans qui veut garder l’anonymat car en logement social raconte « je ne chauffe plus qu'une pièce qui me sert de cuisine sur un réchaud, de chambre et de salon »
Un habitant de l'Est du département témoigne ( lui aussi refuse qu'on nomme son village par crainte d’être reconnu et « catalogué pauvre ») « je fais 80 km allers retour pour aller bosser, je n'ai pas le choix, c'est la voiture, je crains d'avoir à faire le choix entre le carburant et le fuel de ma cuve ». (les dépenses de carburant sont inclues dans la précarité énergétique NDLR) )
On s’aperçoit par ces deux témoignages la double peine de nombre de ces personnes : une atteinte grave à leur niveau de vie mais, plus insidieuse, une atteinte à leur dignité par la crainte d'être dévalorisé à cause d'une situation dont ils ne maîtrisent plus rien.
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