Dans cette période troublée et violente, les discours révisionnistes et négationnistes, avec en tête de gondole le polémiste Zemmour, reviennent dans le débat public. La cote d’alerte est franchie.
C’est un poison à diffusion lente, aux effets funestes. Le négationnisme restait circonscrit aux salons feutrés de l’extrême droite française, s’offrant de temps à autre d’infâmes vitrines, entre profanations et autre « détail » de Le Pen. Puis il y eut le succès des spectacles du clown triste Dieudonné, passé du rire à la nausée, et, plus pernicieux, la messe médiatique du samedi soir où deux révisionnistes notoires (les dessins antisémites de Yann Moix ont été révélés en 2019) ont eu leur rond de serviette sur une chaîne du service public.
Le négationnisme, doucement mais sûrement, se fraye un chemin
Ajoutez à cela une bonne dose de confusionnisme, et voilà un candidat à la présidentielle qui affirme tranquillement que « Pétain a sauvé des juifs », que l’« on ne saura jamais » si le capitaine Dreyfus était innocent, et choisit le neveu du négationniste Robert Faurisson comme conseiller de campagne. « Anecdotique », « marginal », nous rétorquait-on, quant, à juste titre, le journal l’Humanité s’indignait de la montée en puissance de ces faussaires de l’histoire.
Certes, quelques responsables politiques et historiens sont montés au créneau et certains médias ont fait leur travail. Mais, face à ces horreurs, un sentiment d’impuissance – ou d’indifférence ? – gagne une grande partie des citoyens. Entre l’ignorance (en 2018, un Français sur dix affirmait n’avoir jamais entendu parler du génocide des juifs, selon un sondage Ifop) et l’ironie (l’usage intempestif du concept de « point Godwin » serait finalement devenu un moyen de disqualifier la dénonciation de l’antisémitisme), le négationnisme, doucement mais sûrement, se fraye un chemin au moment même où les derniers témoins des camps d’extermination disparaissent. Quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, l’écho dont bénéficient aujourd’hui les inepties d’Éric Zemmour laissera des traces.
Le négationnisme à ciel ouvert, tel un canari dans la mine, est un avertissement de grands dangers. « Si notre témoignage vient à manquer, dans un avenir tout proche, les récits de la bestialité nazie pourront être relégués au rang des légendes, tant ils sont énormes », écrivait Primo Levi en 1955. « Si nous nous taisons, qui parlera ? »
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