Notre camarade Jeannette Petitjean vient de nous quitter. Notre peine est immense.
Elle était née en 1930 à Troyes et donna son adhésion au PCF en 1951 de même qu’elle collabora longtemps à la Dépêche de l’Aube.
Jean Lefèvre a parcouru longuement son itinéraire militant lors de ses obsèques jeudi dernier au crématorium de Troyes devant une assistance nombreuse.
« … La généalogie, c’était une des passions de Jeannette. Elle avait remonté jusqu’aux années 1500. C’était l’âge d’or à Troyes, l’âge du vitrail, des belles statues, des belles demeures ; pour les riches bien sûr, car le populo, disait-elle, tirait déjà le diable par la queue. Dans ses ancêtres, Jeannette n’a trouvé ni princesse, ni roi. Les Dumont étaient d’extraction besogneuse, que des manant qui conçurent des roturiers qui enfantèrent des ouvriers. Elle;en était fière. « L’histoire de ma famille c’est notre histoire à tous, » disait-elle. Tous ces gens d’autrefois formaient une humanité qui vivait en elle, c’était une fraternité intime dont elle était imprégnée et dont elle voulait nous faire partager le destin.
Et le mieux qu’elle a trouvé pour ça, ce fut d’adhérer au Parti Communiste. Elle signa en 1951 près de Bernard CLIVOT. 51, c’est l’année des guerres en Corée et au Vietnam. L’année d’une loi électorale scélérate, la loi des apparentements faite pour éviter que les communistes ne « submergent » la chambre ! 51, une bonne année, vraiment… pour faire adhérer Jeannette.
Sortie de l’École Normale de Sainte-Savine en ayant fait une année de littérature à Nancy en compagnie de Bernard Dimey, elle sera institutrice à Magny-Fouchard d’abord, puis directrice de l’École maternelle Auguste Millard où les normaliens venaient apprendre leur métier. Elle va rencontrer Hugues Petitjean en 1953. Ils se marieront et auront 3 enfants et 6 petits enfants.
Tous les gens qui l’ont rencontrée ont pu parler aussi de son humour. Il était déjà là, en bourgeon dans son sourire. Non dénué de malice. Dans l’humour il n’y a pas que de la plaisanterie, il y a de la colère contenue. Le monde étant ce qu’il est, toujours à refaire.
Grâce au centenaire de la Dépêche, nous avons pu redécouvrir les rubriques si pittoresques de Jeannette, qu’elle allait puiser aux Archives, son autre passion.
Je me souviens particulièrement de la fameuse histoire de l’artisan menuisier Claude Jobert, en août 1789, descendu de Pont Ste Marie avec ses compagnons pour réclamer du pain pour leurs gosses. Les bourgeois de Troyes n’ont pas aimé du tout. Ils ne sont pas comme ceux de Calais, c’est autour du cou de Jobert qu’ils ont mis la corde. Cette sauvagerie légale ne fut pas pour rien dans la mort tragique du maire Claude Huez. Jeannette a tellement bien raconté ce récit qu’on en a fait une pièce de théâtre. Ça s’appelait LA PART À DIEU, pièce montée par Régis Henry et les Comédiens de l’Aube. Il en fit une épopée.
Ce récit et le spectacle qui s’ensuivit trouvèrent leur conclusion au Conseil municipal de Troyes avec le percement de la rue Claude Jobert près de l’école des Blossières. Au début c’était une impasse. Des travaux imprévus la transformèrent en vraie rue ce qui rendait justice à Jobert et à Jeannette.
Entre temps, le parti la présentait dans diverses élections. Elle fit partie de l’équipe Moustard qui faillit battre Terré en 1952. Elle se coltina les départementales dans le canton d’Arcis.
Jeannette fut, vous l’avez compris, une personnalité de notre département. Elle a déjà sa rue d’ailleurs. Elle y habite, rue Jeannette. Comme personne ne sait d’où nous vient ce nom. Jeannette va l’occuper et ce sera justice.
Reste que tu n’es plus là, Jeannette, pour nous faire sourire, nous imprégner de ta confiance en l’humanité, de ton éternel émerveillement devant le monde.
On est sans voix, le coeur gros, et plutôt la rage au ventre de ne pouvoir rien faire. On nous dépose sur terre sans nous demander notre avis. On nous donne notre congé au petit bonheur la malchance. Quelles que soient nos croyances, nous tissons entre nous, vivants, des liens si forts, que, lorsque la mort de nos amis survient, tous ces fils qu’on a entrelacés s’arrachent alors et nous détruisent en partie nous aussi. La mort reste un scandale, pour lequel on n'est jamais prêt. »
À Delphine, Marianne et Yves, à ses 6 petits enfants, à notre très fidèle et très éprouvé camarade Hugues, notre Parti Communiste et notre Dépêche de l’Aube adressent leurs condoléances émues.
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