Éric Zemmour vient de déclarer sa candidature à la présidentielle mais, hasard du calendrier, les députés communistes doivent profiter de leur journée d'initiative parlementaire, le 2 décembre, pour présenter une proposition de résolution visant à lutter contre la banalisation des discours de haine dans le débat public.
Cette résolution demande la possibilité d’appliquer la peine complémentaire d’inéligibilité prévue par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 si le délit s’avérait particulièrement odieux et/ou répété. En effet cet article, si ancien, sur la liberté de la presse prévoit bien une peine complémentaire d’inéligibilité pour les personnes poursuivies pour provocation à la haine.
Cette possibilité d'application appartiendrait évidemment au juge, car, comme le dit Fabien Roussel, « si la liberté d’expression est l’une des libertés les plus précieuses en démocratie, elle ne saurait servir de paravent aux discours de haine, au risque de saper le pacte républicain au motif de la défendre. » Être élu est un honneur mais aussi une responsabilité et il est normal qu’un mandat s’accompagne d’un certain nombre de règles et de devoirs. Il est aussi évident que le respect des droits qui constituent le socle de notre modèle républicain en fasse partie. Un homme ou une femme condamné.e pour incitation à la haine raciale ne peut pas prétendre à incarner la fonction élective : le racisme et l'antisémitisme ne sont pas une opinion mais un délit.
Fascisation des esprits et résistance
La banalisation des idées d'extrême droite est désormais devenue patente : « Comparer la primaire de 2017 et de 2022 de la droite est un bon test de la fascisation d’une partie du monde politique, car elle s’est, cette fois, tenue sur les bases de l’extrême droite avec son langage et ses obsessions. De ce point de vue, Zemmour a déjà gagné », dit le sociologue Ugo Palheta, spécialiste de l'extrême droite. La complaisance de certains médias et le sentiment d'impunité que semble avoir E. Zemmour lorsqu'il distille des énormités, peuvent laisser penser qu'une partie des Français serait gagnée à cette idéologie.
Une partie de l’extrême droite se sent même autorisée à menacer physiquement ceux qui ne pensent pas comme elle et certains sont prêts à passer à l’acte. CNews n’en a pas fait ses gros titres mais l’arrestation, ces derniers jours, de militants identitaires qui disposaient d’un véritable arsenal prouve que la France n’est pas à l’abri d’un Christchurch. Il y a deux ans, Brenton Tarrant, qui a ouvert le feu sur des musulmans dans cette ville de Nouvelle Zélande, faisant 51 victimes, avait reconnu être un adepte du « grand remplacement ». Pseudo-théorie fumeuse sur laquelle le candidat Zemmour a bâti l'essentiel de son discours.
Mais il est intéressant de voir que ce qui peut se passer à Paris a beaucoup de mal à s'exporter en province ou à l'étranger : s'il peut aller à Charvieu-Chavagneux, dans la banlieue lyonnaise, c'est à l'invitation d'un maire lui-même déjà condamné pour incitation à la haine raciale et religieuse, puis pour diffamation. Il ne peut donc tenir des réunions que dans des espaces « amis » donc très restreints car la résistance se fait entendre haut et fort partout où il se déplace.
Les échecs cuisants à Marseille, en Corse, à Londres, à Genève montrent que ce candidat à la plus haute fonction, n'est pas persona grata à l'étranger et aurait besoin d'être constamment sous protection policière, donc réduit à ne pas faire de déplacement, même en France. Un président sous cloche, en quelque sorte. Pour quelqu'un qui prétend représenter tous les Français* et se met en scène comme le futur De Gaulle, la comparaison est très cruelle et montre l'inanité du personnage qu'il s'est fabriqué.
* Il vient de s'apercevoir que les Françaises ont aussi le droit de vote et qu'il est temps d'essayer de faire oublier tout ce qu'il a pu dire d'inepte contre les femmes…Trop tard, c'est mission impossible.
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