Le 6 avril dernier un incident diplomatique défraya la chronique : le président turc R. Erdogan recevait la présidente de la Commission Européenne, l'Allemande Ursula von der Leyen, et le président du Conseil Européen, le Belge Charles Michel. Mais il n'y avait que deux fauteuils et ces messieurs s'étant assis les premiers, la dame, restée debout, fit un « Hem ! » pour signaler son existence et finit par s'asseoir sur un canapé. Ce n'est pas tant la misogynie existentielle d'Erdogan qui est en cause ici - d'ailleurs, quand il avait reçu Angela Merkel, elle avait eu droit à un fauteuil. C'est l'inertie totale de C. Michel, qui est censé représenter les valeurs de l'Union Européenne.
Depuis 1957 l'égalité homme/femme est un marqueur de la construction européenne, même si cette égalité est très relative en fonction des pays ; les femmes en sont encore, dans certains pays de l'UE, à ne pas pouvoir disposer de leur corps, pour le droit à l'avortement, or seul l'esclave n'est pas propriétaire de son corps : c'est dire le chemin qu’il reste à faire !
L'inertie totale de C. Michel, qui dit mal dormir depuis cet épisode - on le plaint -, reflète aussi la hiérarchie entre Conseil et Commission de l'UE, et l'absence de solidarité. Solidarité homme/femme, bien sûr, mais aussi solidarité entre les pays de l'UE. Et Erdogan, par stratégie sans doute, a bien mis en évidence cette faiblesse de l'UE.
Mais l'absence de solidarité, c'est-à-dire l'individualisme, est le fondement même du capitalisme et le capitalisme, la raison d'être de l'UE. La valeur d'égalité H/F n'a été instaurée dès 1957 que pour empêcher des pays de l'Union de fausser la concurrence à cause du salaire trop bas de leurs ouvrières. Donc le discours philosophique sur cette valeur est surtout un bel enrobage. Cet épisode du 6 avril nous le montre sous un jour cru.
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