EHPAD : FAIRE CESSER LE SCANDALE

EHPAD : FAIRE CESSER LE SCANDALE

27 février 2022
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Notre dossier cmjn

Dans son livre Les fossoyeurs Victor Castanet décrit un système où les soins d’hygiène, la prise en charge médicale et les repas des résidents sont « rationnés » pour améliorer la rentabilité du groupe d’EHPAD privés ORPEA.

Depuis, les langues se délient. Le groupe KORIAN est aussi sur le grill… Mais, quel que soit le statut des établissements, partout la situation est insatisfaisante. Alors que la proportion de la population âgée augmente, les investissements publics ne sont pas à la hauteur. Les structures d’accueil pour répondre aux divers besoins du vieillissement sont insuffisantes, tout comme la quasiinexistence de l’adaptation des différents lieux qui permettraient aux « vieux » de continuer d’avoir une vie sociale, culturelle, sportive... La loi grand âge, promise par le Président Macron, n’a pas vu le jour…

Dans tous les domaines le manque de personnel qualifié et correctement payé est criant. Pas assez de salariés pour accompagner le maintien des personnes à domicile, tant que cela est possible. Pas assez de salariés pour offrir aux personnes des conditions dignes et humaines lorsque leur niveau de dépendance exige leur hébergement en structures médicalisées. Peut-on accepter que celles ci soient trop souvent synonymes, de désocialisation, d’enfermement, d’abandon ?

Les pouvoirs successifs ont organisé la mainmise des groupes privés sur le grand âge et la dépendance. La loi du fric pourrit tout ! Salariés et résidents des EHPAD sont maltraités. Le témoignage que nous publions montre l’urgence de replacer l’Humain et le service public au coeurde toutes les décisions. « Nos anciens méritent mieux ! » comme le dit dans son témoignage Roberte salariée d’un EHPAD troyen.

Dessin Gérard Le Berre

MA VIE AU TRAVAIL EN EHPAD

Roberte Courtadon travaille depuis 22 ans dans un EHPAD privé à but non lucratif de Troyes. Elle est agent de service logistique de nuit (ASL/Nuit). Sa fonction la conduit à collaborer et communiquer avec l’ensemble des équipes logistiques de jour et de nuit ainsi qu’avec les membres du personnel des autres services (cuisine, soin, entretien, animation et administratif).

Au début, Roberte travaillait de jour. Depuis 12 ans elle travaille de nuit, afin de pouvoir se rendre disponible pour visiter des parents pensionnaires d’un autre EHPAD. Roberte, à l’image des professionnels du secteur, souhaite le bien-être des personnes confiées aux institutions mais constate que l’objectif est loin d’être atteint.

Témoignage.

ROBERTE--1-min

« Les effectifs sont tellement sous-dimensionnés qu’il se produit parfois des situations anormales.» Roberte Courtadon

« Je prends mon service à 21h30 et le termine à 7h30 le lendemain matin. La nuit je suis en binôme avec une seule aide-soignante. Le bâtiment dont nous avons la charge compte 63 résidents sur plusieurs étages. Une autre collègue ASL assure, seule, la présence dans un bâtiment distinct du nôtre et non contiguë à celui-ci. Il héberge 11 résidents (Alzheimer). Nous lui téléphonons 2 fois par nuit pour s’assurer que tout se passe bien. En cas de besoin, nous pouvons téléphoner à une personne en astreinte administrative. En vingt ans, je constate que les charges de travail se sont accrues. Les personnes admises en EHPAD sont de plus en plus dépendantes. Elles ont donc besoin de plus d’aide, de soins mais les effectifs n’ont pas été adaptés à cette évolution. Nous avons de moins en moins de temps pour les échanges avec les résidents, or c’est un point très important. Les effectifs sont tellement sous-dimensionnés qu’il se produit parfois des situations anormales. Quand il faut forcer pour assurer une toilette par semaine ou quand les circonstances font que des fois on ne peut plus aider une personne à manger, l’intolérable est atteint »

La gorge nouée, les larmes au bord des yeux, Roberte souligne « mes collègues sont très humaines, elles se donnent à fond dans ce qu’elles font et cavalent comme des folles. Je salue leur engagement. Elles y vont jusqu’à l’épuisement. Parfois lorsqu’elles rentrent chez elles, elles vont directement au lit et ne peuvent plus s’occuper correctement des leurs ». L’insuffisance des effectifs conduit à ce qu’une pression terrible
s’exerce à tous les niveaux pour demander que des personnels remplissent des tâches qui ne leur incombent pas. « Moi, explique Roberte, en tant qu’ASL, je ne suis pas habilitée à distribuer des médicaments et je n’ai pas le droit d’en donner. Mais il n’est pas toujours facile de résister aux demandes notamment lorsqu’elles émanent de collègues totalement submergés. »

Roberte élue au Comité Social et Économique de son entreprise et déléguée syndicale/représentante syndicale CGT de l’association dont dépend l’EHPAD indique « les fiches de postes, qui déterminent clairement les missions des salariés devraient être présentées aux représentants du personnel, ce qui n’est pas le cas. C’est un problème. Cela permet à la direction de faire passer pour normal ce qui ne l’est
pas ». Les salaires ? « On bosse, on bosse avec de plus en plus de charge de travail et ce qu’on gagne est tellement dérisoire ! Nous n’avons pas bénéficié d’une véritable augmentation de notre salaire ». Et Roberte de conclure « lorsque l’on ne peut plus faire autrement, on confie nos aînés à des établissements pour les prendre en charge mieux que nous et en fait… non. Les anciens méritent mieux ». Les salariés aussi.

Les EPHAD dans l’Aube

LES ÉTABLISSEMENTS :

D’après les informations du site du Conseil départemental de l’Aube (1), notre département, compte 26 EHPAD disposant de 2 397 places. Neuf EPHAD publics proposent 1132 places (47.2%) et parmi ceux-ci, 4 établissements sont rattachés à un hôpital (731 places).

Le secteur privé associatif (à but non lucratif) compte 10 établissements qui disposent de 702 places (29.3%). Le reste de l’offre est assuré par le secteur privé commercial qui compte 7 établissements, proposant 563 places (23,5%).

1) https://www.aube.fr/123-un-hebergement-adapte.htm

LES PRIX :

Ils sont variables d’un établissement à l’autre. Si l’on fait la moyenne des prix par catégorie, ce sont, sans surprise, les établissements publics qui présentent la facture mensuelle la moins élevée pour l’hébergement : 1 585 € contre 2 103 € dans le privé associatif et 2 329 € dans le
privé commercial.

À cela s’ajoute toujours le prix du talon modérateur à la charge des résidents. Il est à peu près équivalent partout :
182 € dans le public, 180 € dans le privé associatif et 178 € dans le privé commercial.

Mais attention, ces moyennes prennent en compte les prix les plus bas (à partir de.) affichés sur le site du Conseil départemental, et des prestations supplémentaires sont parfois facturées dans certains établissements.

Finalement, les factures sont très lourdes et augmentent plus vite que les retraites.

 

POUR ASSURER L’AUTONOMIE DE NOS AINÉ-E-S

Fabien cmjn

FABIEN ROUSSEL PROPOSE

Dès 2022, il sera créé sur trois ans 300 000 emplois en Ehpad et 100 000 aides à domicile. Un service public du grand âge sera créé, et les Ehpad dépendant des groupes privés seront placés sous tutelle.

Les salaires des personnels seront revalorisés, selon une grille à définir avec les organisations syndicales. Un ratio d’encadrement sera mis en place : un·e soignant·e pour un·e résident·e. Un véritable statut des proches aidant·e·s sera élaboré, avec une augmentation de l’indemnité et de la durée du congé.

Une « contribution solidarité » (CASA-ACT) des actionnaires financera ces mesures, à hauteur de 2 % des dividendes perçus (2 milliards d’euros en 2021). Un plan d’investissement sera initié pour la réalisation et la modernisation des EHPAD, de concert avec les résident·e·s, les personnels, leurs représentant·e·s, les familles.

Les unités de soin de longue durée (USLD) seront renforcées. Un service national et territorialisé de l’aide à l’autonomie garantira, pour les personnes vieillissantes ou en perte d’autonomie, l’égalité d’accès à une prise en charge à domicile de leur dépendance, ainsi qu’une aide à l’autonomie par des personnels qualifiés, formés et correctement rémunérés.

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