L’ami Roger, il était facteur. Pendant de longues années, il a arpenté
les rues, parcouru des milliers de kilomètres de trottoirs, de
rues qui s’éveillent et de matins brumeux. Gravi des centaines, des
millions de marches d’escalier. Il a porté des tonnes d’enveloppes,
blanches ou kraft, petites ou grandes, espérées ou redoutées. Factures,
recommandés, invitations, lettres d’amour aussi sans doute...
Et puis un jour, au bout du courage, la Retraite. Une pension de
1 337,54 euros exactement. C’était déjà un montant dérisoire,
après tant de travail et de fatigue, mais là c’est le pompon : la
hausse de la CSG le prive de 29 euros par mois. Encore un truc à
supprimer dans le budget : mais lequel ? Sur un an, il perd 345
euros ! Et ce ne sera pas “compensé” comme ils disent, puisque, vu
ses ressources, il ne paye pas de taxe d’habitation... Une injustice
de plus, reçue comme une gifle : « Qu’on arrête de nous dire qu’on
est un coût pour la société ! » Pas le genre à pleurnicher, l’ami. Il
s’est battu, il se battra encore. À 72 ans, sa colère est calme, presque
froide. Juste un éclat particulier dans son regard... Alors c’est dit,
il participera le 15 mars prochain, à journée nationale d’actions
des retraités. Avec dignité.
ZAZIE