Le film de Gilles Perret a fortement mobilisé : 380 personnes à Troyes avec le réalisateur Gilles Perret, une cinquantaine à Romilly-sur-Seine, autant à Bar-sur-Aube.
Et un débat de bon niveau, surtout à Troyes car Gilles Perret est rompu à l’exercice de la discussion qu’il pratique tous les jours à travers la France.
Aubéane, Mutuelle de France avait voulu promouvoir fortement ces projections avec UPOPAube et la Ligue de l’Enseignement( [1]). L’attachement des spectateurs à la Sécu fut sensible à chaque représentation. Il est vrai que les déclarations de Denis Kessler, Claude Reichmann, Juppé, Pompidou et consorts font froid dans le dos et n’incitent personne à rejoindre leur point de vue calamiteux. François Fillon, non cité dans le film, est quand même souvent interpellé lors des échanges puisqu’il résume cette pensée réactionnaire qui préfère l’individualisme à la solidarité, le privé au public. Bien qu’il soit prouvé, ne serait-ce que d’un seul point de vue comptable, que la gestion solidaire est plus efficace, la droite martèle sa volonté de casser la Sécu sous prétexte d’efficacité.
Montage de qualité avec de nombreux intervenants savamment filmés et répartis, qui mobilisent l’attention. Les défenseurs de la Sécu font assaut d’érudition et de pédagogie : Michel Etievent, Frédéric Pierru, Colette Bec, Bernard Friot, Anne Gervais, Philippe Martinez, Jean-Claude Mailly et Jolfred Frenogara, bâtisseur originel d’une des 138 caisses de Sécu en 1946.
On a affaire à un documentaire savamment tissé, mais c’est plutôt un film d’amour pour cette belle construction sociale de la Libération qui a pris ses marques en 1936, son courage dans la Résistance, ses idées dans le programme du CNR et sa force dans le poids amplifié de la CGT et du PCF. Le héros du film reste Ambroise Croizat, architecte et constructeur d’une oeuvre dont l’écriture revient à Pierre Laroque. Ce gaulliste (de gauche) défendra la maison Sécu toute sa vie.
On sait que la droite et le patronat tentèrent de gommer le nom d’Ambroise Croizat de la mémoire collective. Dès 1948, le Que sais-je ?( [2]) ne connaît que Laroque. Le nom de Croizat n’apparaît dans le dictionnaire qu’en 2011. Rika Zaraï y était, Ambroise Croizat, non ! Il est vrai que ce qui fut insupportable aux censeurs, c’est le fait que la Sécurité sociale réussissait en 1945, à ce que le tiers du PIB (produit intérieur brut) soit géré par les travailleurs. Ce film est aussi un acte de foi dans l’éducation populaire dont on a tant besoin au moment où la couverture sociale diminue, où l’hôpital public souffre de disette, où l’idée de solidarité est attaquée. On a sans doute perdu la bataille des idées dans ce domaine. Le seul moyen de gagner, c’est de réapprendre les bases tout en se battant concrètement pour faire cesser la casse. « Apprendre pour comprendre, pour mieux se défendre. »